Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les ondes et le haka. Le livre de Pierre Sein

Les ondes et le Haka. Le livre de Pierre Sein All Blacks, les seigneurs du rugby (CLD éditions)

 par Mezetulle

Le match France-Galles n'ayant pas été retransmis sur une chaîne de tv publique, j'ai trouvé un certain plaisir à l'écouter l'oreille collée à Sud-radio crachotante et l'oeil rivé sur le site de L'Equipe qui alignait les essais. J'avais tout, sauf l'image. Mais c'était bien une totalité, celle d'un récit et celle d'un affichage, totalité du temps et totalité de l'imaginaire alimentée par le réalisme du décompte égrené minute par minute. Et lorsque, à la 77e, le flamboyant capitaine Betsen a fait le choix de la mêlée plutôt que celui de taper la pénalité pourtant en face des poteaux, j'ai pu mesurer à sa juste valeur toute la rationalité de cette décision parce qu'aucune image ne venait jeter son jus aveuglant sur le double décompte que j'avais sous les yeux : différence au score + temps qui reste.

Et je remets ça avec la radio ce matin. D'habitude je n'écoute France-Culture au petit déj' que pour me mettre dans une mauvaise humeur belliqueuse tant la bienpensance hurleuse y est exaspérante entre 7 et 9. Et là un délice de fraîcheur vient stimuler mon réveil : je tombe sur la chronique de Catherine Clément, consacrée aujourd'hui au Haka des All Blacks ! Elle replace cette cérémonie dans son contexte de culture, décrivant l'obligation d'exhiber le blanc des yeux comme une figure chorégraphique imposée, et soulignant l'importance des femmes dans ces différents dispositifs. Pas si terrible que ça au fond ("c'est l'histoire d'un mec..." tellement terrorisé qu'il se cache au fond d'un puits avec une nana assise dessus... et qui en ressort tout regonflé).

Sans le savoir, Catherine Clément m'a donné le sésame qui m'a enfin fait ouvrir sereinement le livre que Pierre Sein a eu la gentillesse de m'envoyer juste avant sa parution : All Blacks, les seigneurs du rugby, préface de Patrice Lagisquet medium_PierreSein.jpg(Tours, CLD Editions, 2007). Livre qui m'en imposait par sa couverture, photographie de haka... et devant lequel je ressentais mon incompétence. Et c'est ainsi que Catherine Clément a commencé sa chronique d'ailleurs, par un trait aussi intimidant qu'un haka, celui de la rumeur toute puissante : "Les All Blacks, ceux qui écrasent tout...!" dit-elle.

Voire... et voir aussi les statistiques que Pierre Sein a eu la bonne idée de placer à la fin de l'ouvrage. A regarder de près. Mais non ils n'écrasent pas tout : ils gagnent souvent, c'est sûr, mais..... Et me voilà, ayant commencé le livre par la fin, régressant au fil des pages, ce qui me permet de saisir le point conceptuel du livre, lequel m'avait échappé uniquement parce que je me laissais impressionner par une rumeur défaitiste "il n'y a qu'à subir et rien à penser". Ce point n'est autre qu'une question, un paradoxe, dont la formulation simple demandait un peu d'audace : comment une nation dont la population dépasse de très peu le tiers de celle de la région parisienne est-elle parvenue à en imposer autant par son rugby ?

Outre qu'une partie de la réponse est déjà dans la question, j'ai aussi ma propre réponse, mais elle est très mal-pensante, peu vérifiable et encore plus provocatrice (sinon insultante) que la question... Aussi je préfère, pour plus de sérieux, vous renvoyer au livre de Pierre Sein : vous y trouverez, avec les nombreux et différents hakas bien sûr, de multiples réponses bien plus pertinentes, et qui ne sont pas toutes intimidantes. D'ou je conclurai, comme l'auteur le montre à plusieurs reprises, que leur bras de noir vêtu n'est pas invincible et que d'ailleurs il n'est pas invaincu : ce qui ne vérifie même pas un vers de Corneille, notre meilleur auteur de haka glorieux pour hommes aux longs cheveux !

Sommaire du blog

Commentaires

  • C'est totalement idiot mais ça me fait rire et je l'ai trouvé après avoir tenté de trouver un podcast de l'émission dont tu parles si bien...
    Un Haka so British : http://www.skivedomain.com/sure/laka/

  • Oui vraiment très amusant. Il faudrait trouver ça en vf avec un coq qui se promène entre les joueurs, et un "homme aux longs cheveux" habillé en bleu! Une idée à suggérer à "Paramourdurugby" ?

  • Le plus curieux, même si au fond on verra que non, c'est de savoir qu'au premier temps des tournées en Europe ( d'authentiques expéditions avec des traversées qui étaient autant d'interminables semaines comme on s'en doute), le haka était exécuté de façon somme toute très "folklorique". Les joueurs n'arboraient pas alors ces masques guerriers censés aujourd'hui leur conférer un surcroît de courage. Et partant, d'impressionner si possible encore d'avantage l'adversaire. Le Haka actuel qui me tire toujours de grosses larmes imputables à certaine sensiblerie enfantine ( un autre trait du rugby ça) parce qu'il m'écrase sous le poids de l'histoire et de son esthétique obscur ( tout ce qui a été dit et vu au sujet de ces rugbymen absolus, me revient alors en mémoire en me submergeant totalement. Chaque haka, je le vis comme une espèce de naufrage emotionnel)En même temps, il me géne dans ma conviction que le sport, n'a surtout rien à voir avec la guerre. Le rugbyman, belluaire romantique par excellence, n'est ici à mon sens que pour donner, entre autre, une réprésentation guerrière très codifiée et par là tout à fait acceptable. Il est tout à la fois sport de combat et de maitrise de soi. Or on sait qu'un sport collectif de combat comme le rugby ( le seul d'ailleurs à notre connaissance) exige d'imposer sa marque pschycologique sur l'adversaire. Avant on disait au sortir du couloir des vestaires, qu'on allait enfin voir si on avait du mental. Aujourd'hui on parlera volontiers de mentalisation positive ( il y a aurait à redire sur ce meta langage craquant de prétention sous son vernis pseudo scientifique. Le haka, devenu au fil du temps et à mesure que le rugby, moins soucieux de l'observation stricte des codes particuliers le régissant en sorte de bushido domestique aux principes intangibles, beaucoup plus guérrier, s'est inscrit dans cette logique de société de communication ( voir la variante insupportable du haka ko pongo ponctué d'une mimique d'égorgement) où il s'agit d'en imposer à travers le langage du corps. Le rugby n'est toujours pas la guerre, mais en "grandissant", il s'est inexorablement rapproché des sports commes les autres. Le haka et la marseillaise sont ainsi devenus des moyens de se reserrer autour de l'idée de nation ( une sorte de culte barrésien, aveugle et quand mêmeun peu réac, des anciens), alors que le rugby en est déjà une à part entière.

Les commentaires sont fermés.