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Histoire du Rugby

  • « Propos mêlés sur le rugby », sous la dir. de Gilbert et Yannick Beaubatie et Anne Deplace

    Paru dans l’été 2020, l’ouvrage collectif Propos mêlés sur le rugby (sous la direction de Gilbert et Yannick Beaubatie et d’Anne Deplace, éd. Mille sources) est à tous égards un « poids lourd ». Il s’impose par son volume – 496 pages – et par sa qualité – quelque 80 contributions, allant du témoignage à l’étude historique1 et à l’analyse conceptuelle, de la variation poétique au « coup de gueule », rehaussées d’illustrations judicieusement choisies loin du tapage et du lissage médiatique2. Poids lourd aussi et surtout par la tonalité brûlante et nostalgique qu’il laisse au cœur des amoureux du « rugby d’avant le désastre »3 assistant, désemparés, à l’extinction de « la flamme des humbles superbes »4.

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  • Christophe Dominici. « J’ai préféré le rugby au football pour me rapprocher davantage du ravin »

    Christophe Dominici, immense joueur, est mort le 24 novembre 2020. Après le récent décès de Denis Tillinac, c’est à nouveau un Rugby blues qui nous saisit, et qui nous convie aussi à une célébration de la flamboyance et de la fragilité.

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  • A coeur ovale, le rugby du commencement

    Le rugby du commencement : A Coeur ovale, de Christian Jean et Thomas Bianchin (1)

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    Des marmousets cramponnés, crottés jusqu'aux yeux et habillés en clown Auguste... Ils ont la peur et la gloire au ventre. Les matins acides de matches, ils s'arrachent à leurs peluches douillettes pour être des héros tremblants, pour entrer dans des vestiaires rudes et chaleureux, pour avaler ce qui ne passe pas. Ce qu'ils redoutent le plus est aussi ce qu'ils désirent le plus.

    Au coeur de ce magnifique coeur ovale, le rugby des cours de récréation, des cartables "bourrés de coups de poing" comme disait Nougaro et transformés en gonfles, enchante le lecteur.

    Rugby des origines bien sûr, fait d'anecdotes, de souvenirs d'enfance et de jeunesse, de Grenoblemedium_acoeurovale_33_.jpg à Pontarlier, d'Oyonnax à La Mure et à La Tour du Pin. Rugby alpin et jurassien frisquet, où la rosée et la sueur se confondent, où la mêlée fume encore plus que le brouillard, où la neige fondue sert de piste d'envol. Mais l'anecdote et le souvenir particulier, en devenant fables, se hissent (ou plutôt ramènent) à ce qui n'a ni date ni âge : on passe des origines au véritable commencement. La différence ? Les origines sont factuelles, elles vous tombent dessus, comme les fées et les sorcières penchées sur un berceau : on y est renvoyé sans cesse à ce que l'autre et l'extérieur ont choisi pour nous. Le commencement doit tout à lui-même, il n'emprunte rien qui ne lui soit essentiel et qu'il ne sache s'approprier. Le parcours qui mène des unes à l'autre s'appelle l'initiation.

    Initiation à quoi au juste ? Au rugby certes, mais à travers lui au grand écart qui relie et dissocie à la fois le dérisoire et le sublime, la nullité crasse et les palmes qui vous transportent sur un nuage, le minuscule et le grandiose. Le droit de se sentir moche et superbe, déplacé, dérapant et assuré, animal stupide et homme virtuose, tué et tueur, n'est pas réductible à une psychologie en montagnes russes : c'est une nécessité à la fois poétique et vitale.

    ça commence avec un mental de potache, de guerrier de cour d'école. C'est fait de gnons, de coups qui, dès ton enfance, font de toi un conquistador, un chef de meute, un bandit de vestiaire, un pendard de comptoir. (p. 57)

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    En lisant les textes, en savourant les photos, on comprend aussi pourquoi le chasseur aime sa proie et quelle secrète connivence lie le matador au toro, quel amour fatal attire l'alpiniste vers les horribles cimes. A ceci près que la mort est ici mise à distance et reléguée là où elle est, à l'infini : son spectre une fois balayé, ne reste finalement que l'essentiel, le partage d'une même substance qui unit le plaqueur et le plaqué, le terrassé et l'aérien.

    A ceux qui craignent que le rugby du commencement initiatique disparaisse, je proposerai une méditation sur cette photo intitulée "A tire d'ailes".

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    ça ne vous dit rien ? Mais si bien sûr, on l'a déjà (pardon : toujours) vue. J'en avais sans le savoir publié la version qu'on pourrait appeler étourdiment "paillettes", disons colorisée, par le photographe Romain Perrocheau. Merci à Christian Jean et à Thomas Bianchin de l'avoir rappelée à son identité initiale, d'en avoir donné l'essence dramatique, en noir et blanc bien entendu.

    1 - A Coeur ovale, par Christian Jean (textes) et Thomas Bianchin (photos), préfacé par Freddy Pepelnjak et Vincent Clerc, Grenoble : Cielstudio, 2006. Présentation du livre en ligne. Voir Esprit en mêlée le blog de Christian Jean, où quelques-uns des textes sont repris.

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  • La Planète ovale de J-Y. Dhermain

    Sur le livre de Jean-Yves Dhermain La Planète ovale. Dans les coulisses du rugby mondial
    ou le Tableau historique des progrès du rugby

     par Mezetulle

    Le livre porte bien son titre. Sous un aspect lisse - quoi de plus banal en apparence q'une série de monographies consacrées aux 20 meilleures équipes présentes lors de la Coupe du monde en France ? - et dans une écriture fluide qui enchaîne des récits assez alertes, l'ouvrage de Jean-Yves Dhermain La Planète ovale. Dans les coulisses du rugby mondial (Préface Serge Blanco, Tours, CLD éditions, 2007) aplatit le globe et rend une forme étrange à une planète dont la rotondité n'est pas sans accroc.

    Bien sûr, et c'est la moindre des choses, on y trouvera l'histoire, souvent passionnante, des grandes formations nationales : de quoi satisfaire la vue somme toute restreinte de l'amateur traditionnel. Le moyen d'échapper à la énième célébration épique de Jean Prat et de Lucien Mias, à la poisse de medium_Dhermain.jpgWilkinson, aux mensurations de Lomu, à l'ubiquité foudroyante de Keithwood, au ballon dans le brouillard à Bristol en 1908 ? Du reste, pourquoi bouder son plaisir en retrouvant tous les hauts faits dont l'histoire se nourrit certes, mais dont elle se détache, comme un motif se détache sur un fond ?

    Car on ne s'y trompera pas: l'auteur ne dessine pas une chanson de geste faite d'anecdotes transfigurées en mythes, mais un bougé planétaire dans lequel le rugby n'est pas simplement situé. Le rugby s'y voit au contraire promu en acteur de l'Histoire ("avec une grande hache" comme le dit Perec), théâtre et révélateur de combats - il mérite à ce titre le nom d'oeuvre.

    L'oeuvre du rugby : dans ses démêlés avec lui-même, c'est l'histoire des progrès humains (laquelle suppose aussi l'immobilisme et la régression) qui se décline sur les grasses pelouses d'Angleterre, les grands espaces des haciendas argentines, les terrains pelés de quelques bidonvilles "là-bas, au bout du monde". Sur fond de conflits sociaux, on y voit des nations s'arc-bouter sur un intérêt de classe ou de "race" (ou même les deux à la fois), d'autres introduire une brèche laborieuse dans la forteresse aristocratique longtemps défendue par un purisme formaliste - sans lequel pourtant le rugby n'aurait ni règles ni "esprit". Ce sont des histoires croisées qui opposent étudiants de bonne famille et gueules noires, snobs des quartiers chics et paysans, propriétaires agricoles et journaliers, Anglo-saxons et Latins, Blancs et "Non-blancs", dynasties de terroirs et talents urbains déracinés. On y voit tour à tour le rugby détesté comme étendard d'une colonisation honnie et le rugby capté, adoré, retourné et brandi fièrement au nez de ceux mêmes qui l'avaient introduit comme une marque de propriété.

    Tragique parfois, l'histoire peut aussi s'adoucir et prendre des airs de French cancan dans le comique aller-retour qui vit le rugby parisien snob s'étioler au profit du rugby d'Ovalie, puis revenir offrir aux jeunes urbains et au public féminin une scintillante carrrière rose fluo.

    Mais s'opposer signifie aussi se mêler, s'imbriquer les uns dans les autres comme des teignes et comme des peignes, et aussi s'affronter à soi-même. Sont mis aux prises des hommes pétris de contradictions et de complexités, et non des rôles immuables assignés d'avance : ainsi on voit le paysan français, naguère symbole populaire, se transformer en conservateur dynastique haïssant la grande ville (et avec elle sa banlieue : où on va ?), le public irlandais interdisant le God save the Queen à Dublin et acclamant sur la même pelouse l'équipe de la Rose en 1972 au plus fort des années sanglantes, rien que parce qu'"ils étaient venus", la bourgeoisie galloise soutenir les Diables rouges qu'elle exploitait au même moment dans ses mines, et l'honneur de l'humanité déjà relevé, avant le célèbre maillot de Nelson Mandela frappé de l'antilope, par Morné Du Plessis en Afrique du Sud.

    L'histoire a bien des points communs avec le rugby : son immanence et aussi sa dialectisation, sa sinuosité, une façon de forger l'Idée en passant par de petites choses, par des poussées et des reculades, une façon d'avancer non seulement malgré et à travers les obstacles mais aussi grâce à eux.

    Le sens de l'histoire ne lui est pas donné a priori de l'extérieur ; il se forge dans les difficultés et l'opacité des choses particulières. Dhermain a eu la bonne idée de scander chaque étude par une interview avec un joueur. Loin de tirer l'ouvrage vers un ton "people", ces respirations scellent au contraire par de solides rivets l'enjeu décisif et planétaire du rugby. Tous les joueurs sollicités sont en effet des "transplantés" notoires, des voyageurs, des explorateurs, des expatriés d'un moment, représentant à la fois l'enracinement et le dépaysement, la tradition et l'innovation, le "maintenant" et le "jadis et naguère", l'ici et l'ailleurs, l'actuel et le révolu.

    Avec Jean-Yves Dhermain, on souhaite que de prochaines Coupes du monde se dépaysent elles aussi, sortent du "village global" où quelques nations jalouses se défient en tournant en rond, et rendent la planète ovale.

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  • Guêpes, tigres et semis de fleurs

    Guêpes, tigres et semis de fleurs qui flottent sans sombrer (ou le maillot rayé)

    par Mezetulle

    Partagée entre deux beaux succès à célébrer en ce moment (1), je laisse à Greg le plaisir entier de saluer le magnifique parcours de Clermont, à présent en 3e position du Top 14, et je commencerai par "le jour de gloire de Raphaël Ibanez" avec les Wasps, remportant la Coupe d'Europe sur le favori Leicester, ce qui lui vaut un trois quarts de page du Midi Olympique, noir sur jaune, sans parler de la page-titre.medium_Wasps.jpg

    medium_guêpe.jpgGuêpes (wasps) contre tigres : c'est finalement la piqûre qui l'a emporté, sur un terrain où tous ces drôles de zèbres continuent à s'inscrire dans l'histoire longue et sulfureuse de la rayure, via un bestiaire qui a gardé tout son venin. Brillamment, certes mais peut-être un peu trop discrètement : car ces très piquantes guêpes n'affichent la couleur que rarement et la plupart du temps sur leur chaussettes, le reste de la tenue demeurant dans le sobre et très classique noir uni.

    Il est vrai que la rayure, pourtant traditionnellement et abondamment portée jadis sur les terrains de rugby, n'a pas très bonne presse et qu'elle tend de plus en plus à disparaître du design branché qui submerge les stades. Fondamentalement ambivalente car elle n'est pas une forme tracée sur un fond mais une structure, brouillant medium_Rayure.jpgl'ordre chromatique, priorité indiscrète qui tape fort à l'oeil, marque infamante qui frappe ceux qui sont hors de l'ordre (criminels, valets, satimbanques) mais aussi barrière qui fait obstacle à l'impureté ou à la transgression (toiles de plage et de boucherie, costumes de bains d'autrefois, passages pour piétons et chantiers d'aujourd'hui), comble de la vulgarité (chemises des frères Dalton et autres costards maffieux à grosses rayures contrastées) ou du raffinement (fines rayures ton sur ton rendues célèbres par l'habit de l'Incorruptible), cette étrange partition du visible barre de moins en moins de sa fulgurance inquiétante les terrains de sport.

    Dans son livre passionnant L'étoffe du diable : une histoire des rayures et des tissus rayés (Paris : Seuil, 1991), Michel Pastoureau retrace l'histoire de cette ambivalence dont je viens de rappeler quelques éléments. S'agissant du maillot sportif, il renvoie à la thèse du sport-spectacle : à ses yeux, le sportif, "grand utilisateur de rayures" estmedium_Grobety2.jpg

    "un drôle de zèbre qui se situe sur les marges de la société où il retrouve le clown, le saltimbanque, l'homme de théâtre et tous ceux qui se donnent en spectacle. Le port de tenues rayées sur les terrains de sport peut donc être pris sinon comme une marque d'exclusion, du moins comme un écart et un déguisement. Par bien des aspects, le sportif est l'histrion des temps modernes" (p. 127-128).


    Il poursuit le chapitre intitulé "la rayure sportive" en évoquant aussi la connotation évidemment héraldique de la rayure pour certains clubs, et soulève la question de sa désaffection notamment sur les maillots des arbitres de foot et de rugby où elle était pourtant naguère de rigueur.

    Or, comme je l'ai fait remarquer, cette désaffection s'étend bien au-delà puisque même quand on s'appelle les Wasps, on n'ose "l'étoffe du diable" qu'en subalterne rappel de chaussette. Et même quand on peut s'enorgueillir d'un blason mythique dont on raconte qu'il fut donné par Charles le Chauve à la Catalogne, on en estompe la structure pour n'enmedium_PerpiBlason.jpg garder que les couleurs : le maillot de Perpignan, comme bien d'autres, délaisse sa présentation héraldique pour en décliner les teintes selon le design d'une marque sponsor. Les sponsors et équipementiers, tels sont les nouveaux hérauts qui frappent de leurs symboles (pumas, virgules et - ah tout de même - 3 célèbres "stripes" qu'Adidas s'évertue du reste à déstructurer au plus loin de la rayure) la livrée du rugbyman. Devant la toute-puissance de la marque et de son équipe de designers, la rayure, trop voyante, trop rigide, trop impérieuse, trop jalouse du regard dont elle s'empare, est priée de mettre une sourdine et le sportif de rentrer dans le rang commercial pour passer dans un vestiaire plus chic et surtout plus juteux.

    Et là vous me voyez venir, je vais terminer par un éloge (ambivalent et angoissé) de mon chouchou le Stade français : c'est vraiment génial d'avoir trouvé l'absolu contraire de la rayure, l'absolu contraire de la frappe héraldique en bandes, medium_MaillotSFemme.jpgbarres, faisceaux et autres partitions viriles.... pour taper dans l'oeil avec un uni rose féminin qui se vend très très bien (voyez sur ce blog la tronche de La Choule), discrètement zébré (mais pas rayé) de trois éclairs bleus. Il ne manquait plus que la fleur de lys en semis marial : eh bien ils ont osé! (c'est pour ça sans doute qu'ils méritent de jouer à Saint-Denis, au pied du sépulcre royal?).medium_ParisBlason.2.jpg

    Mais heureusement ils n'ont pas oublié, en rappel et en alternance, le bleu et rouge du Fluctuat nec mergitur : c'est tout ce que je leur souhaite, de flotter, au bord du naufrage, et de surnager en haut du Top 14 (mais ça va être dur, surtout devant la marée basque de mon autre chouchou Serge !).

     Sommaire du blog 

    1 - Euh, enfin trois car La Choule est promue "coup de coeur" des blogs Paramourdurugby ce matin, mais effleurons seulement le sujet en modeste note de bas de page : j'ai déjà la grosse tête ; je suis au bord de l'explosion rien qu'à lire l'article Rugbyphilo de Lio, et le coma éthylique me guette au parfum des fleurs qui remplissent les coms de La Choule en ce moment...