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Christophe Dominici. « J’ai préféré le rugby au football pour me rapprocher davantage du ravin »

Christophe Dominici, immense joueur, est mort le 24 novembre 2020. Après le récent décès de Denis Tillinac, c’est à nouveau un Rugby blues qui nous saisit, et qui nous convie aussi à une célébration de la flamboyance et de la fragilité.

Même ceux qui prétendent « ne rien comprendre au rugby » ou ne pas s’y intéresser sont éblouis par la vidéo du fabuleux essai marqué en octobre 1999 contre les non moins fabuleux All Blacks. C’est que ce moment d’anthologie est un concentré fulgurant du talent de Christophe Dominici, de sa justesse à saisir l’occasion, de son énergie. C’est aussi un symbole de la contingence dans laquelle nous sommes tous immergés, qu’il serait vain de vouloir abolir mais qu’il serait honteux de ne pas affronter, les yeux grands ouverts, en sachant que c’est précisément parce qu’on peut s’y abîmer qu’on peut y réussir magnifiquement en des moments de grâce capables d’illuminer notre vie. La combinaison du « coup de pied par dessus » avisé frappé par Fabien Galthié et de la saisie juste, parfaite et dynamique du rebond par Christophe Dominici filant à toutes jambes vers l’essai est une superbe leçon de morale.

« Il y a des jours où les ballons t’arrivent comme des mots d’amour »1.

 

 

Je me souviens avec émotion de ma rencontre avec Christophe Dominici, dans le cadre d’un entretien pour Philosophie magazine  publié à l’ouverture de la Coupe du monde de 2007, qui réunit aussi Martin Legros et Julien Charnay. La photographe Muriel Franceschetti a pris à cette occasion une série de photos, Muriel et Christophe m’ont fait cadeau de celle-ci, qu'on pourra retrouver aussi dans l'album "Rencontre avec Christophe Dominici".

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Elle fut légendée ainsi par un de mes proches amis, faisant allusion à La Vierge, Sainte Anne et l’Enfant Jésus de Léonard de Vinci (Musée du Louvre)  : « La Vierge surprise par Sainte Anne s’emparant de l’enfant Jésus »2.

La même année 2007, en collaboration avec Dominique Bonnot, Christophe Dominici a publié un livre intitulé Bleu à l’âme (Paris, Cherche-midi)3. Il raconte comment un jeune héros baroque hyperbolique et précieux, en regardant en face ses propres failles, se convertit en héros classique, et rejoint ceux qui osent gagner sans outrecuidance, qui osent tout vouloir et tout accomplir – amour, gloire, devoir – parce qu’ils en connaissent le prix et la fragilité et parce qu’ils n’en cherchent pas la route ailleurs qu’en eux-mêmes. S’y déroule une sorte de phénoménologie de la fêlure comme constitutive de la force, de la fragilité comme condition de la fermeté d’âme et de corps, de l’exposition comme mode de vie et d’accès à l’excellence : « J’ai préféré le rugby au football pour me rapprocher davantage du ravin […] »

 

Notes

2 – Double allusion en réalité, car Jean Lacouture parle d’une « balle en forme d’Enfant Jésus », dans Voyous et Gentlemen. Une histoire du rugby, Paris : Gallimard, 1973.

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