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Livre

  • « Propos mêlés sur le rugby », sous la dir. de Gilbert et Yannick Beaubatie et Anne Deplace

    Paru dans l’été 2020, l’ouvrage collectif Propos mêlés sur le rugby (sous la direction de Gilbert et Yannick Beaubatie et d’Anne Deplace, éd. Mille sources) est à tous égards un « poids lourd ». Il s’impose par son volume – 496 pages – et par sa qualité – quelque 80 contributions, allant du témoignage à l’étude historique1 et à l’analyse conceptuelle, de la variation poétique au « coup de gueule », rehaussées d’illustrations judicieusement choisies loin du tapage et du lissage médiatique2. Poids lourd aussi et surtout par la tonalité brûlante et nostalgique qu’il laisse au cœur des amoureux du « rugby d’avant le désastre »3 assistant, désemparés, à l’extinction de « la flamme des humbles superbes »4.

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  • Rugby, une passion (éd. La Martinière)

    Rugby, une passion, sous la dir. de Richard Escot (éditions La Martinière)

    par Mezetulle

    La Choule n'est pas peu fière d'avoir été invitée par Richard Escot à jouer en ouverture d'un magnifique livre qui paraît aux éditions de La Martinière: Rugby, une passion.


    Il ne s'agit pas du coup d'envoi symbolique nunuche botté avec des escarpins et 22092010094.jpgconfié à une "gonzesse" de service aussitôt priée de regagner les gradins, mais bien d'une ouverture, un texte partie prenante, réclamant du souffle et de la "vista".
    Aux lecteurs de juger si j'ai été digne de porter ce numéro 10 qui, pour être de plume et d'occasion, n'en est pas pour autant d'opérette ni en toc. En tout cas, ils ne pourront pas être déçus par la superbe équipe qui déploie ses talents au fil des pages, ni bien sûr par les photos choisies, ordonnées et mises en page par Benoît Nacci.


    Rugby, une passion, sous la direction de Richard Escot, Paris : La Martinière, 2010.
    Textes de : Catherine Kintzler, Richard Escot, Jacques Rivière, Benoît23092010098.jpg Jeantet, Ludovic Ninet, Benjamin Massot, Clément Dossin, Nemer Habib.

    Ecriture visuelle : Benoit Nacci.

    Interviews de : Philippe Dintrans, Jean-Pierre Garuet, Olivier Roumat, Serge Betsen, Olivier Magne, Thomas Lièvremont, Morgan Parra, Frédéric Michalak, François Sangalli, Damien Traille, Patrice Lagisquet, Jean-Luc Sadourny (recueillies par : Ludovic Ninet, Richard Escot, Clément Dossin).

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  • A coeur ovale, le rugby du commencement

    Le rugby du commencement : A Coeur ovale, de Christian Jean et Thomas Bianchin (1)

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    Des marmousets cramponnés, crottés jusqu'aux yeux et habillés en clown Auguste... Ils ont la peur et la gloire au ventre. Les matins acides de matches, ils s'arrachent à leurs peluches douillettes pour être des héros tremblants, pour entrer dans des vestiaires rudes et chaleureux, pour avaler ce qui ne passe pas. Ce qu'ils redoutent le plus est aussi ce qu'ils désirent le plus.

    Au coeur de ce magnifique coeur ovale, le rugby des cours de récréation, des cartables "bourrés de coups de poing" comme disait Nougaro et transformés en gonfles, enchante le lecteur.

    Rugby des origines bien sûr, fait d'anecdotes, de souvenirs d'enfance et de jeunesse, de Grenoblemedium_acoeurovale_33_.jpg à Pontarlier, d'Oyonnax à La Mure et à La Tour du Pin. Rugby alpin et jurassien frisquet, où la rosée et la sueur se confondent, où la mêlée fume encore plus que le brouillard, où la neige fondue sert de piste d'envol. Mais l'anecdote et le souvenir particulier, en devenant fables, se hissent (ou plutôt ramènent) à ce qui n'a ni date ni âge : on passe des origines au véritable commencement. La différence ? Les origines sont factuelles, elles vous tombent dessus, comme les fées et les sorcières penchées sur un berceau : on y est renvoyé sans cesse à ce que l'autre et l'extérieur ont choisi pour nous. Le commencement doit tout à lui-même, il n'emprunte rien qui ne lui soit essentiel et qu'il ne sache s'approprier. Le parcours qui mène des unes à l'autre s'appelle l'initiation.

    Initiation à quoi au juste ? Au rugby certes, mais à travers lui au grand écart qui relie et dissocie à la fois le dérisoire et le sublime, la nullité crasse et les palmes qui vous transportent sur un nuage, le minuscule et le grandiose. Le droit de se sentir moche et superbe, déplacé, dérapant et assuré, animal stupide et homme virtuose, tué et tueur, n'est pas réductible à une psychologie en montagnes russes : c'est une nécessité à la fois poétique et vitale.

    ça commence avec un mental de potache, de guerrier de cour d'école. C'est fait de gnons, de coups qui, dès ton enfance, font de toi un conquistador, un chef de meute, un bandit de vestiaire, un pendard de comptoir. (p. 57)

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    En lisant les textes, en savourant les photos, on comprend aussi pourquoi le chasseur aime sa proie et quelle secrète connivence lie le matador au toro, quel amour fatal attire l'alpiniste vers les horribles cimes. A ceci près que la mort est ici mise à distance et reléguée là où elle est, à l'infini : son spectre une fois balayé, ne reste finalement que l'essentiel, le partage d'une même substance qui unit le plaqueur et le plaqué, le terrassé et l'aérien.

    A ceux qui craignent que le rugby du commencement initiatique disparaisse, je proposerai une méditation sur cette photo intitulée "A tire d'ailes".

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    ça ne vous dit rien ? Mais si bien sûr, on l'a déjà (pardon : toujours) vue. J'en avais sans le savoir publié la version qu'on pourrait appeler étourdiment "paillettes", disons colorisée, par le photographe Romain Perrocheau. Merci à Christian Jean et à Thomas Bianchin de l'avoir rappelée à son identité initiale, d'en avoir donné l'essence dramatique, en noir et blanc bien entendu.

    1 - A Coeur ovale, par Christian Jean (textes) et Thomas Bianchin (photos), préfacé par Freddy Pepelnjak et Vincent Clerc, Grenoble : Cielstudio, 2006. Présentation du livre en ligne. Voir Esprit en mêlée le blog de Christian Jean, où quelques-uns des textes sont repris.

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  • Sur le livre de L.Bénézech (3e partie)

    Sur le livre de L. Bénézech Anatomie d'une partie de rugby (3e et dernière partie)
    L'immédiateté rustique du texte, l'urbanité décalée des photos

    Décidément, je n'apprivoise pas le livre de Laurent Bénézech Anatomie d'une partie de rugby (éd. Prolongations), il me glisse des mains, me fait commettre des "en-avant"... Pourquoi ce sentiment de porte à faux qui fait que je ne peux ni l'adopter ni le délaisser ?

    Comme je le soulignais précédemment, l'ouvrage se penche sur des notions et des affects, à l'exclusion de toute référence singulière - histoire, noms propres. Or on pourrait penser que, composé à parts égales de textes et de photos, les textes expliquent des notions, réservant la monstration directe des affects aux photos. C'est l'inverse : belle idée assurément, mais si les photos (remarquablement choisies) relèvent hautement le défi, il n'en va pas toujours de même pour le texte.medium_EnAvantBénézech.jpg

    A quelques brillantes exceptions près (de beaux chapitres sur "La Passe"... où toutes sont passées en revue p. 78, sur "l'En-avant" p. 80 ou encore sur "La Touche" où est avancée une très convaincante comparaison avec la danse contemporaine), le texte ne décrit pas, n'explique pas, ne conceptualise pas : il entend se placer à l'intérieur d'un psychisme - celui du joueur, celui du supporteur - pour le réactiver chez le lecteur. Ce sont donc des états d'âme qui, par des monologues, des dialogues intérieurs, des apostrophes, se succèdent dans une écriture qui recourt trop souvent à des palliatifs et des marqueurs d'insistance : majuscules hurlantes, italiques, exclamations, points de suspension.
    A force de vouloir être en sympathie avec le lecteur initié censé se reconnaître dans ces procédés détournés, cette écriture faite d'extériorité s'aliène le lecteur quelconque parce qu'elle est trop souvent un clin d'oeil à celui qui est dans le rugby comme un poisson dans l'eau.

    On m'objectera que tout texte intéressant produit un sentiment d'étrangeté. Certes, mais il le produit pour tous, et surtout pour ceux qui croient être en terrain familier. Le poète est capable de me rendre ma propre langue lointaine, étrangère : il l'arrache à l'idiome et la met en déroute pour la révéler. Or ici, c'est au contraire le parti-pris de familiarité et si j'ose dire de consanguinité qui domine le texte : le rugby y est ramené à son intimité, à ses affinités indicibles, il forme un cercle et une famille resserrés à laquelle je n'appartiens pas.

    Et d'ailleurs je ne suis nullement invitée. Le chapitre "Les Joueurs" (p. 24), chef d'oeuvre de littérature identitaire, me le fait rudement savoir. Ils sont plaisamment présentés sur le modèle d'une famille agricole, attablés autour du père, rompant un pain immémorial, à des places immuables depuis des générations. En toile de fond, des figures féminines figées dans ce que l'imaginaire collectif a de plus redoutable : une mère castratrice (l'entraîneur), une fille à séduire, et "quelques salopes malpropres" - allusion aux chansons paillardes de la 3e mi-temps (les épouses, quant à elles, en prennent pour leur grade dans le chapitre sur "L'Essai" p. 122 qui met aux prises un idiot de joueur et son imbécile de femme). medium_LeNain.jpg

    Dans ce tableau rustique on ne sait qui est le plus à plaindre, chacun occupant une place qu'il n'a pas choisie, mais qui lui a été attribuée par une destinée (son gabarit, son rang de parenté, son sexe, son âge, sa condition...) le mettant perpétuellement hors de lui et jamais en exigence d'être lui-même. Tout le contraire de l'héroïsme : rien que les vertus conventionnelles d'un régime révolu ! Et le coaching est arrêté depuis belle lurette ; aucune place à prendre, aucune circulation ne vient aérer ce tableau étouffant: jeunes urbains, passez votre chemin, on n'a pas besoin de vous.
    Il ne suffit pas de peindre des paysans dans une touchante scène de genre nostalgique pour parvenir à la cheville d'un Mistral, et encore moins à celle d'un Virgile.

    Alors quel soulagement de quitter la page écrite pour aller poser son oeil à côté, au revers, en marge, en hors-texte et de voir sur ces magnifiques et judicieuses photos tant d'innovation, tant d'ouverture, tant de questions, tant de réflexion, tant d'aspérités, tant de sollicitations pour la pensée, tant de décalages, tant de bougés, tant de cocasseries aussi : toute cette rigide consanguinité est balayée, remise en question et décoiffée par le talent, l'élégance, la présence d'esprit, le doute, et par un usage inventif de la force, lesquels n'excluent pas les maladresses ni les échecs.

    A elles seules, les photos parviennent à faire comprendre, parfois malgré le texte qui les environne, comment la civilisation héroïque a su traverser les âges, s'extraire des villages et des terroirs pour n'en retenir que les saveurs exquises, circuler à travers le monde, se griser d'autres chants que de paillardises, et se greffer sur le monde moderne.

    [N.B. La photo de la p. 83 (F. Nataf, L'Equipe) est celle de mon exemplaire personnel du livre. Elle est publiée à des fins strictement didactiques, en illustration directe des propos tenus dans cet article.] 

    Voir le premier article "Un purisme du concept et de l'affect"
    Voir le deuxième article "Le rugby serait-il démocratique par nature ?"

     Sommaire du blog

  • Sur le livre de L. Bénézech (2e partie)

    Sur le livre de Laurent Bénézech Anatomie d'une partie de rugby
    Deuxième partie : le rugby serait-il démocratique par nature ?

    par Mezetulle

     En attaquant la lecture proprement dite (voir la 1re partie), je tombe aussitôt sur un texte introductif intitulé "Philosophie". Là, je me sens interpellée. C'est mon job d'aller y voir de près, non ?

    Alors, anatomisons ce texte.Thèse principale : le rugby s'autorise de contradictions et de complexités qui rendent impossible la modélisation du déroulement d'un match (d'où l'on conclut que seule l'anatomie peut en saisir les finesses). Thèse secondaire : la passe en retrait, emblème de la contradiction rugbystique, en fait un sport éminemment démocratique par sa forme de transmission (renoncement à la hiérarchie de type "monarchique", stratégie qui évite la ligne droite, etc.).

    Là encore je suis prise dans un stimulant inconfort de lecture, une alternance d'enthousiasme approbateur et de profond désaccord. Autant je crois la thèse principale juste, puissante par sa précision, éclairante et féconde (et l'ensemble du livre l'atteste), autant je trouve la thèse secondaire (le rugby comme "représentation idéale d'un régime de type démocratique") tirée par les cheveux et inutile parce que trop large. Revenir sur l'histoire du rugby en Afrique du Sud ou dans l'Italie d'avant-guerre pour la démentir serait une "cravate" indigne de la hauteur du livre de L. Bénézech, et pour un plaquage de meilleur aloi je m'en tiendrai à une argumentation conceptuelle. 

    Si la comparaison (très implicite et voilée) avec la démocratie athénienne tient un moment la route - chacun étant medium_Democratiecouronnant_le_peuple.jpgappelé a priori à porter le ballon, bien que ce ne soit pas, heureusement, par tirage au sort ! - la suite, qui retient (tout aussi implicitement) le sens classique et libéral du terme "démocratie", relève à mes yeux d'une sorte de credo, d'un zèle aujourd'hui répandu à marteler des idées bien-pensantes auxquelles il est bien sûr mal vu de ne pas croire.

    Non, l'aveu des contradictions et des complexités et leur traitement dialectisé, biaisé, en répartition collective n'est pas le partage des seules démocraties libérales : n'oublions pas que le XXe siècle a connu un théoricien virtuose et un praticien redoutable de la contradiction et de la collectivité toute-puissante en la personne de Mao. La dialectique peut être mise au service de bien des régimes, ce qui ne l'empêche nullement d'être une très grande idée. Quant à la distributivité, elle n'est pas davantage d'essence démocratique : songeons que ses principaux théoriciens furent Aristote puis la hiérarchie catholique, inventeurs de l'"équité" aujourd'hui à la mode précisément parce qu'elle est opposée à l'égalité et à l'idéal démocratique classique. Enfin, remarquer que l'essor du rugby coïncide historiquement avec celui des systèmes politiques démocratiques ne contribue en rien à lui donner telle ou telle propriété qui leur serait commune.

    Le maniement de concepts aussi chargés et polysémiques demanderait un peu plus de soin et de précision, et je ne suis pas sûre qu'il en résulterait un éclairage décisif et précis pour le rugby. A vouloir frapper trop fort et trop large, on passe à la fois au-dessus et à côté des poteaux...

    A vouloir utiliser la philosophie comme un bulldozer, on s'expose à écraser son objet. Il vaut mieux l'utiliser comme un chien d'arrêt : lever une belle idée à partir de la configuration précise du terrain et des circonstances, et la regarder s'envoler entre les poteaux...

    C'est ce qu'on peut attendre de la suite du livre. En entrant dans le détail, on revient au contact et toute la compétence de l'auteur se trouve mobilisée. Ce qui ne signifie pas la fin des agacements pour la lectrice que je suis...

    A suivre...
    Voir la première partie "Un purisme du concept et de l'affect"
    Voir la troisième et dernière partie "L'immédiateté rustique du texte, l'urbanité décalée des photos"

    Sommaire du blog