La force de la joie intérieure. Toulouse-Cardiff 6 avril 08
par Mezetulle
Tout a réussi aux rouges de Toulouse dans ce match au rythme époustouflant qui est parvenu étonnamment à briser des Gallois pourtant jusqu'alors infatigables. A partir de la 70e minute (4e essai toulousain, marqué au milieu des poteaux en marchant comme les deux précédents... et transformé), les diables de Cardiff ont presque souri en gesticulant leur impuissance. Et la victoire toulousaine pourtant déjà assurée ne fut pas bétonnée par une classique "mise au chaud" de soigneux pick and go attendant la délivrance de la sirène, mais au contraire ponctuée en gerbe de feu d'artifice sur un tempo de French Cancan par l'exultation d'un drop final.
Tout leur a réussi, non pas jusqu'à leurs fautes, mais jusqu'à leur absence de peur de commettre des fautes... Cette absence de peur, lorsqu'elle est soutenue par une véritable valeur, par un travail acharné, par une maîtrise technique, n'est pas de l'outrecuidance, ni même de la témérité car elle n'a rien à voir avec le courage : c'est une assurance, une sorte de jubilation de soi-même qui se transforme en allégresse sur le terrain et qui balaie tout devant elle, adversaires, choses et vents contraires. Cela ressemble à de la chance, mais une chance qu'on a méritée et qu'on a su capter au bon moment.
Et même aussi j'ose croire que la joie intérieure a quelque secrète force pour se rendre la fortune plus favorable. Je ne voudrais pas écrire ceci à des personnes qui auraient l'esprit faible, de peur de les induire à quelque superstition [...]. Mais, touchant les actions importantes de la vie, lorsqu'elles se rencontrent si douteuses que la prudence ne peut enseigner ce qu'on doit faire, il me semble qu'on a grande raison de suivre le conseil de son génie, et qu'il est utile d'avoir une forte persuasion que les choses que nous entreprenons sans répugnance, et avec la liberté qui accompagne d'ordinaire la joie, ne manqueront pas de nous bien réussir.
Descartes, Lettre à Elisabeth, novembre 1646
Et quand on a su cultiver son génie propre, cette manière Champagne et jubilatoire, jusqu'au sommet de l'excellence, on peut aller sans répugnance à Twickenham.
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Commentaires
Si, chère Catherine, Toulouse en plus de ses relations irrationnelles avant-trois quarts, ont tous Descartes en main...
jeux de mots mis à part, magnifique post...
Magnifique en effet!
La joie intérieure raye d'un seul trait la peur...et alors tout devient possible. C'est là, la seule superstition vraie!
"Seule superstition vraie" oui le terme est exact : faire confiance à soi-même, c'est la première des piétés ! Cela suppose qu'on s'en donne les motifs et les moyens (une "juste raison de s'estimer") aurait pu dire Descartes: c'est cela le côté "vérité". En langue cartésienne cette estime de soi fondée sur de "justes raisons" s'appelle la générosité. C'est pour cela que les perdants, bien qu'ils soient tristes, ne sont pas blessés parce qu'ils participent de la générosité qui les a vaincus. C'est ce qui m'a frappée en voyant les sourires et les gestes navrés-admiratifs des joueurs gallois au moment de ce 4e essai.