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  • Mouvement contraire et totalité du corps

    Mouvement contraire et totalité du corps

    par Mezetulle

    Lorsque j'étais enfant, j'admirais le geste de ma mère en train de battre une omelette, considérant que cette alliance stupéfiante de rapidité, de précision, d'adresse et de force me serait à jamais inaccessible. Mais j'y suis arrivée. Pour cela, comme pour apprendre à coudre, à tenir un crayon, à sauter à la corde, j'ai dû apprendre à ne pas m'abandonner au premier mouvement de mon corps pour pouvoir le rendre disponible au mouvement vrai, fort, habile et rapide qui en révèle toute la puissance.

    Toute discipline, qu'elle soit corporelle ou intellectuelle, s'effectue grâce au mouvement contraire qui contraint pour libérer, qui fait le vide pour rendre possible l'appropriation. Et donc on peut dire cela, a fortiori, de tout sport de haut niveau. Mais aucun ne le fait de manière aussi visible, éclatante que le rugby, car aucun n'affiche aussi insolemment que la contrariété est partout, à tout moment, à son principe.medium_PassePatSandersonEmpics.jpg

    Reculer pour avancer, mains en arrière sur le côté et pieds en avant tout droit sculptant cette magnifique torsion du corps qui s'empare des joueurs à la passe. Proximité et éloignement de la balle, qui circule dans le jeu et s'immobilise dans le regroupement. Rapidité de la percée vers l'essai et patience de la poussée collective qui grignote du terrain. Mains qui serrent la balle au plus près du corps et qui s'en dessaisissent aussitôt qu'on est au sol. Force totale de la percussion et adresse totale de l'évitement.

    Même la feinte, si technique au foot, s'inscrit dans la totalité corps et prescrit la totalité au corps: un corps totalement allant, totalement pesant, totalement aérien, totalement campé, totalement mobile, totalement vaillant, totalement recueilli et retenu.

    En cela bien sûr le rugby est exemplaire de l'éducation, qui libère sous la condition de la contrainte. Mais au-delà d'un simple exemple, il est ce que les philosophes appelleraient un schème (n'ayons pas peur des gros mots !). Un schème inscrit l'idée dans la matière à la manière d'une règle : c'est comme un principe matérialisé.medium_BrumachonIcare.jpg

    Au rugby, la contrariété et la liberté qui en résulte, le vide et l'appropriation qu'il rend possible ne sont pas simplement travaillés dans un geste, dans une technique particulière, mais concernent toujours le corps tout entier, individuel et collectif, pris dans sa totalité et dans toutes ses propriétés (gravité, rapidité, adresse, extension, immobilité, consistance, fluidité, ténacité, versatilité...).medium_JobinThe_MoebiusStrip.jpg

    Ici comme dans la danse, il y en a pour tous les corps, pour toutes les vertus du corps et pour le corps tout entier.

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  • Sport "de contact" (3) Les corps

    Sport "de contact" (3) : les corps 

    J'en viens enfin, dans cette troisième note sur le contact, au corps-à-corps.

    Le contact avec le corps de l'adversaire.
    Il est admis, et même requis dans les regroupements (maul, mêlée), les plaquages, les "percussions". Il s'effectue selon des lignes de force et de mouvement variées : pousser, tirer à soi, recevoir l'élan adverse en même temps qu'on le percute.medium_PlaquageEvitement.jpg

    Cette admissibilité et cette obligation de contact est singulière dans un sport de balle et d'équipe - aucun des autres ne le pratique comme admissible et encore moins comme requis.

    Cela affecte bien entendu la notion d'évitement, de crochet, de zig-zag, de faufilement. Au rugby, l'évitement n'a pas pour objet l'interdiction de toucher l'adversaire, mais il est au contraire nourri de la possibilité de le faire. On n'évite pas l'autre parce que c'est interdit, on le fait parce que c'est un choix de jeu, parce que c'est l'occasion d'un leurre. L'évitement et le contact sont symétriques et non opposés.

    Le contact avec le corps du partenaire : enlacement scapulaire des premières lignes et imbrications épaules-fesse, bras-cuisses pour former la mêlée, poussée verticale pour la prise de balle à la touche, empilement des corps pour "soutenir" l'homme à terre qui va lâcher la balle.medium_Melee.2.jpg

    Tous ces contacts, d'apparence sauvage, sont en réalité disciplinés, parce que permis. Le rugby, contrairement aux apparences, fait dans la nuance, mais oui ! Il sait faire autre chose que le "tout interdit" et le "tout permis" (après match, et encore : quand ça se passe bien...) qui caractérisent un autre sport de balle en équipe dont on a compris que je ne l'aime pas. Nuance du permis-mais-pas-tout, canalisation, exercice et reconnaissance de la force, fabrique de jeux de mains mais pas de vilains.

    Contacts pensés parce que avoués et non forclos, visibles et non relégués dans un infra-monde d'où ils ne peuvent que surgir que comme d'un enfer. Il n'y a pas d'enfer au rugby parce que les forces infernales sont présentes : humanisées ici et maintenant.

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