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Barbe-bleue des fleurs plein les yeux

Barbe-bleue des fleurs plein les yeux : Rugby blues

  par Mezetulle

Poursuivons la série "malins et balourds" initiée avant-hier  - et joyeusement relayée par Brother Rugby les Pins ici et encore - avec un récit rugueux, boueux, venteux, ensoleillé, fulgurant, plein de charme, réac et provocateur juste comme je les aime : Rugby Blues de Denis Tillinac (Paris : La Table ronde, 1993).

Son écriture roborative réussit une prouesse : il y a presque plus de noms propres que de noms communs dans mainte page de cette prose qui devrait faire penser à un annuaire de téléphone et que pourtant on lit... comme un roman. Prouesse ironique (et sans doute savamment calculée) quand on sait que l'auteur, gentihomme campagnard bougon, héritier des "hussards" machos et hyperboliques, ne partage pas tant son litron de gros rouge avec Oulipo et autres Perec (pardon, Prc), qu'avec Antoine Blondin.medium_RugbyBlues1.jpg

Il a beau essayer de faire croire qu'il est un mufle :

Le rugby est masculin, le pansexualisme de ses chansons tourne en vase clos dans la libido des joueurs, ce sont des légionnaires en campagne, des hommes privés de femmes. Qu'ils se rattrapent en permission est une autre affaire, sur laquelle mieux vaut ne pas s'appesantir, encore que les épouses de rugbymen soient sans illusions. (p. 39)

Il a beau multiplier les provocs et les déclarations superbes de mépris :

En semant un club sur les sols ingrats d'en deçà de la Loire, on peut récolter une saison nationale, comme il advint à Besançon, puis à Arras. ça n'ira jamais bien loin. Certains ont le goût des cultures minoritaires, qui se font catholiques à Boston, footballeurs à Los Angeles, socialistes en Vendée. Je concède aux Flamands ou aux Lorrains le droit de jouer au rugby ; on s'y risque même en Allemagne. Je préfère voir valser les "gonfles" là où elles poussent toutes seules, autour des bastides ocre et rose. Question d'harmonie. (p. 43)

On n'y croit pas, ou plutôt si : on y croit comme on croit à L'Iliade et à L'Odyssée, et c'est exactement ce qu'il faut.

Et quelle candeur dans l'aveu qu'il fait quand même, ce rustre à la plume si fine et si forte, d'un petit pincement au coeur aporétique avec Paris, cité de rustres errants magnifiés par l'encre (celle des journaux et surtout des livres) et les tournées de bistrots, puis reconvertis en noeud pap et maillot rose... Je ne vous recopie pas les pages 87-89 (Parisjet'aimemoinonplus) : on croirait presque lire le plus parisien des poètes hurleurs, Léon-Paul Fargue.

Célébrons donc avec lui, sur la note bleue qui nous chante que tout fout le camp, "les affinités secrètes du rugby et de la littérature" en relisant une page de ce Poème des malins et des balourds - la conjonction, comme on le verra, étant ici de stricte coordination et non d'alternative, allégorisée par le derby Tulle-Brive et plus au large par la dualité Corrèze-Aquitaine :

Entre les deux, faut-il choisir ? J'aime les gladiateurs, les laboureurs, les déménageurs des packs. Leur code d'honneur sera peut-être le dernier vestige de l'antique chevalerie. J'aime les piliers de devoir, les seconde ligne de soutien, les boeufs qui poussent, plaquent, encaissent sans ciller et rendent la monnaie par déontologie. J'aime aussi les virtuoses aux semelles de feu, les harmoniques du jeu de ligne, les intrépides qui partent de leur en-but comme les Rois Mages vers Bethléem. Après tout il y a un siècle que le rugby communie sous les deux espèces, le pain des avants, le vin des trois-quarts. Deux façons d'être, deux hémisphères psychologiques. Dans mon panthéon, Boni côtoie d'humbles "mulets" aux tronches barrées de cicatrices. J'ai pris de vifs plaisirs en assistant à des joutes confinées dans le périmètre sulfureux des avants. C'est mon côté tulliste. Je ne me réjouis pas moins lorsqu'un ballon file de main en main à la vitesse de l'éclair. C'est l'école aquitaine. (p. 142-143)


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Pour résumer, le portrait de Rossignol : "des allures de Barbe-bleue, des fleurs plein les yeux" (p. 100). J'ai bien envie ici de pousser aussi ma provoc en forme de gouaille (sous la pelouse, les pavés) : ça colle presque avec le logo... du Stade français !!!

 

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Allons tout ne fout pas le camp... Tillinac, je te pardonne d'avoir prophétisé en 1993 que "Paris n'aura été rugby que le temps d'une aimable mode"...

Parce qu'un vrai poète c'est beaucoup mieux qu'un prophète !

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Commentaires

  • C'est bon de lire des bonnes lignes après une petite grosse déception...il est cool ton blog La Choule

  • c'est gé-nial! quel plaisir à lire :-)
    qui a dit que rugby et poésie ne faisait pas bon ménage..

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