Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'indicatif et le performatif

L'indicatif et le performatif

par Mezetulle

Après une longue léthargie passée dans la privation, La Choule, fuyant les pluies et la froidure du grand Sud (je ne plaisante pas, 10° dans l'Ariège et ciel plombé), entre dans l'ambiance parisienne estivale (26° à Paris), ferme les persiennes afin d'éviter un terrible soleil plombant et savoure la pénombre... pour se réveiller devant un programme de télé enfin regardable.

Montauban-Perpignan. C'est presque trop pour une reprise, cette overdose de drops, de retournements, de phases de jeu intenses et vacillantes, de ballons cachés qui progressent là où on ne croit pas qu'ils sont.... J'en ai le vertige, c'est très bon mais c'est fort, ça devrait se goûter à la petite cuillère et voilà que j'en reçois de pleines louches. Et comme si ça ne suffisait pas, je prends aussi une leçon de philosophie du langage.

Dans les tribunes montalbanaises, nulle inscription provocatrice ne vient rabaisser l'adversaire - mais ça c'est normal dans un stade de rugby. Il y a mieux : nulle inscription glorificatrice ne vient célébrer banalement et bêtement l'équipe au maillot vert, car le raffinement supporter atteint à Montauban un sommet logico-philosophique par une tautologie autoréférentielle qui me laisse un moment perplexe. A la fois comique et impérieuse, une banderole verte medium_Montauban80.jpgprécise savamment : "Ici, c'est Sapiac !", comme si les spectateurs présents et leurs visiteurs ne le savaient pas....

Mais non, que je suis bête : la banderole ne s'adresse pas à ceux qui sont là, mais à ceux qui, comme moi, sont le nez collé à leur écran de tv, dans l'indistinction de toutes les vertes pelouses, et donc il importe de préciser que ce n'est pas n'importe quel vert. C'est celui du stade Sapiac à Montauban, lieu singulier : vous y êtes, vous pouvez le regarder, nous voir, vous y voir (1).medium_MagrittePipe.jpg

Plus que devant le célèbre tableau de Magritte "Ceci n'est pas une pipe", on se croirait dans un chapitre de la Poétique d'Aristote expliquant le plaisir qu'on a à identifier les personnages au théâtre : "celui-là, c'est lui !", jubilation de l'enfant découvrant l'ivresse de l'indicatif dans un geste gratuit - "ça, c'est ça".

On m'avait bien dit que le rugby est un sport parlé. Justement, voilà que j'entends l'arbitre déclarer, désignant ce qui se passe sur le terrain : "c'est un ruck !" Et le commentateur se régale à expliquer pourquoi il dit ça, et ce qui se serait passé s'il ne l'avait pas dit. La déclaration de ruck n'est pas une sanction, ce n'est pas une indication, ce n'est pas non plus une décision : c'est un acte de jeu qui se dit en se faisant et qui se fait en se disant.

Tandis que les tribunes parlent à l'indicatif, l'arbitre parle au performatif.

1 - Renseignement pris sur le web, on trouve une explication bien décevante : il existe un blog d'école primaire qui s'intitule "Ici, c'est Sapiac", et ce sont peut-être ces charmants bambins qui ont fabriqué la banderole. N'empêche que l'étrange effet-tautologie de l'indicatif en autoréférence se produit quand même !

Sommaire du blog

Commentaires

  • et bien enfin de vos nouvelles. le rugby est un sport parlé...oui il n'est que d'assister à ces phases de mauls, les bestiaux aiguillonnés par la voix de leur Demi de mêlée...

  • Je n'ai goûté à Perpignan-Montauban qu'à la petite cuiller, ne faisant que passer épisodiquement devant l'écran, occupée à d'autres activités, et me tenant au courant de la partie en questionnant monsieur mon mari, et j'ai donc raté le "ici, c'est Sapiac!". Qui m'aurait bien fait sourire si je l'avais vu en direct, et qui me fait quand même bien sourire en le découvrant en différé! ;-) [et même si c'est une école, c'est drôle!...]

  • Et moi je reviens de cinq jours dans le chaud Diois...Et je suis bien content que le froid de l'Ariège te ramène aux choses ovales...Tu nous manquais!

  • Tout ça prend encore plus de sens quand on sait que les Montalbanais nous ont fait part du même slogan dans les tribunes de Jean Bouin...

    En tout cas ça me rappelle une blague dont l'absurdité me fait sourire.
    "C'est un type qui rentre dans un bar et qui crie "coucou c'est moi!". Tous le monde se retourne et en fait c'était pas lui."
    Mouahaha Voilaaa

Les commentaires sont fermés.