Je ne croyais pas si bien dire à la fin de mon précédent article : mes chouchous du Stade français, ayant remporté samedi le match contre Agen, non seulement maintiennent leur première place au Top 14, mais il résulte de toutes les savantes combinaisons de ce classement qu'ils rencontreront en demi-finale ... Biarritz - mon chouchou Serge ! Au moins c'est un de mes chouchous qui gagnera de toute façon !
Et dire que je ne peux même pas y aller, à Bordeaux, le 1er juin. Je me contenterai donc de simulacres, en essayant de trouver une bonne âme abonnée à Canal + prête à m'héberger devant son poste de télé, et en sacrifiant aux rites alimentaires. Trouver un kebab qui sent la graille et de la bière ne devrait pas trop poser de problèmes.
Mais pour accomplir sérieusement ce rituel en toc et à distance, encore faut-il les ornements sacerdotaux appropriés et aux bonnes couleurs. C'est ici que la question devient délicate : car il va me falloir afficher les deux équipes. Non que j'hésite à m'affubler du choc des couleurs qui ne vont pas ensemble, en l'occurrence rose et rouge : j'ai déjà osé (voir photo). Mais justement, c'était pour une autre circonstance, du temps de ma niaiserie et de ça, comme dirait un célèbre philosophe helvète (1), on ne revient pas. Et puis on ne se montre pas deux fois avec la même toilette (demandez à Ségo ce qu'elle en pense, ou encore mieux à Elizabeth II).
Au lieu de pleurnicher dans le style d'Eve ("je n'ai rien à me mettre"), restons une femme de tête, inspirons-nous de la rationalité robuste diffusée par Elle et autres Glamour, réfléchissons en scrutant le placard à chiffons et à accessoires. Je garde le béret rouge qui peut aller pour les deux et le tee-shirt rose du SF (ça c'est ce qu'on appelle "la base"), j'ajoute une écharpe blanche d'écume océane, ça change tout. Rose blanc rouge, c'est superbement kitsch, ça peut en outre très bien se prolonger en maquillage, du reste ces couleurs qui estompent les rides (pardon, il faut dire : qui évitent de durcir le visage) conviennent parfaitement à une mémé (pardon, il faut dire : à une féminité mature) comme moi. Passons au reste des accessoires : je vire le drapeau rose que je remplace -ça c'est vraiment génial- par La Choule à dominante blanche dédicacée par Serge !
Voyons maintenant le bas. Il sera, c'est décidé, ordinairement habillé par le sempiternel jean bleu. D'abord ce sera l'indispensable note "décalée", destinée à éviter le ridicule du "tout coordonné" pratiqué par les pétasses "pas top" n'ayant aucune idée du dernier chic branchouille - je leur accorderai juste une note de rappel sur les grolles - tennis blancs et roses peut-être ? Ensuite, ce sera neutralisé, ininterprétable en couleurs héraldiques : car le blue jean justement est d'un bleu qui lui-même n'est pas une couleur (d'ailleurs il n'est ni de Biarritz ni de Paris mais Denim - de Nîmes), et ça ne compte pas dans l'affichage.
Ah, cette idée d'une couleur qui n'en est pas une, encore un truc intello avec lequel je me refuse à alourdir cet article frivole que je préfère terminer sur une belle maxime macho empruntée à Marcel Proust :
"Dans la vie de la plupart des femmes, tout, même le plus grand chagrin, aboutit à une question d'essayage".