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  • Pas de dieu (1) : l'ovale et la contingence

    Il n'y a pas de dieu (1) : l'ovale (le "pas-rond") et la contingnence sont suffisants

    par Mezetulle

    On a dit tant de choses sur la forme ovale - c'est-à-dire et d'abord "pas ronde" - de la balle, que j'hésite presque à y aller de mon petit couplet. Ce machin est très évidemment biscornu, au sens strict et au sens figuré. medium_OldBall.jpgOn est aux antipodes d'un jeu de billard, à tenter de saisir le rebond de cette cote mal taillée, de cette perle baroque, là où on ne s'attend pas à ce qu'il soit. Plus le vent. La prévision est toujours en haleine, toujours poignante, souvent désavouée... les choses ne sont pas toujours malléables.

    Maintenant je vais lâcher les gros mots philosophiques - pourquoi non? après tout, on est entre gros calibres ! ce jeu n'a rien à voir avec le hasard et tout avec la contingence.

    Le hasard, la "Fortuna" des Anciens avec ses yeux bandés, c'est un dieu, un arrière-monde qui se joue de nous, qui décide pour nous, que nous défions, que nous supplions dans des prières païennes.

    La contingence, c'est ici et maintenant, avec les yeux ouverts : c'est l'imprévisibilité des choses, la force et la présence des choses qui sont ce qu'elles sont, et qui auraient pu être tout autres qu'elles ne sont. Mais pas besoin de leur attribuer une volonté, elles sont assez déroutantes comme ça... Et ici ça se voit, ça vous crève les yeux : c'est signé rien que par la forme de la balle, non pas ovale mais "pas-ronde", comme les choses de la vie.

    Un jeu qui montre et qui accepte autant la contingence n'a pas besoin du dieu hasard. Pour la même raison il n'a pas besoin de fatalité. Tout est là sous nos yeux, aucun "deus ex machina" ne vient tirer les ficelles, aucun dieu extérieur n'est à la source de l'heur et du malheur : les choses sont déjà assez compliquées comme ça, et on fait déjà assez de c... comme ça pour n'avoir pas besoin de recourir à un arrière-monde et pour devoir lui rendre un culte. Il faut saisir les circonstances, on le peut, on le doit, on le réussit, on le rate ; la vie est à la fois compliquée et rationnelle.

    Voilà pourquoi je crois aussi qu'on n'assiste pas à un match de rugby comme à un sacrement. Pas de fanatisation, parce que nulle fatalité : seuls les éléments et les forces en présence, dans leur variété, dans leur complexité, sont suffisants pour expliquer l'état des choses, la victoire ou la défaite - et non quelque force invisible qui fait par sa grâce ou sa disgrâce entrer une balle (ronde) dans une cage ou qui la projette sur un poteau - non ici, il y avait du vent, ça a glissé, le rebond n'était pas de ce côté, on n'a pas été bons, "ils" ont été plus forts ou plus intelligents, ou plus opportunistes. Le tout est d'être là au bon moment et de faire le bon geste. Le tout, et il en reste toujours.

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  • Plaies et bosses (suite?): soutien à Sylvain Marconnet

    Plaies et bosses (suite ?) : soutien à Sylvain Marconnet

     par Mezetulle

    Mon billet d'hier Plaies et bosses aurait-il porté la poisse à Sylvain Marconnet, qui vient de se casser vilainement la jambe en faisant gentiment du ski familial ?medium_ski.jpg

    Non quand même !  je n'y parlais que d'héroïques "petits bobos" recouverts d'élastoplast. Non, ce n'est pas une question de poisse : le rugby n'a pas ce rapport infantile à la superstition (en tout cas, c'est ce que j'aime penser...). Et puis de toute façon, il skiait, s'adonnant à une de ces activités mutilantes où il est honteux et contre nature de "se retrouver" à terre... et sur des planches en plus, avec tout un harnachement, combinaison, casque, lunettes, gants et tout le tremblement.. Et par-dessus le marché un truc où on ne peut que descendre !

    Sauf que, comme le précise l'article en ligne de l'Equipe, il n'allait même pas vite !! Comme s'il fallait, pour se faire très mal et être envoyé à l'hosto, avoir l'excuse d'un exercice périlleux. Je reconnais bien là la morale héroïque du sportif : il faut "mériter" jusqu'à ses blessures, surtout si elles sont sérieuses... 

    Non, ce genre de blessure ne se mérite pas, parce que ça n'a rien à voir avec un quelconque mérite : c'est comme ça, c'est une blessure de la vie, bête, ordinaire et d'autant plus frustrante, douloureuse et démoralisante qu'elle est ordinaire - ça aurait même pu arriver en descendant un escalier à la maison, ça aurait même pu m'arriver à moi !

    Aussi, ce billet est un soutien pour S. Marconnet, pour lui dire que ce n'est pas tant pour jouer au rugby qu'il lui faut un coeur "gros comme ça" : c'est pour vivre tout simplement, dans une vie où on peut se casser méchamment une patte en descendant un escalier ! 

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  • Plaies et bosses. Un corps glorieux et fragile

    Plaies et bosses. Arès et Aphrodite : un corps glorieux et fragile


    Mis à rude épreuve par tous les "contacts" dont j'ai parlé précédemment - d'ailleurs je m'interroge toujours, ayant les cervicales délicates, sur le moment d'impact accompagné d'un "han!" qui signe la rencontre des deux lignes avant en mêlée... comment se passe l'intrication des nuques? - le corps du joueur est promu au niveau d'un corps glorieux par les marques de souffrance qu'il porte pendant et après le match.
    medium_GenouBalafre.2.jpg
    Gloire tirée des contusions, des bleus, des salissures, des brûlures provoquées par les glissades au sol, des oreilles frictionnées, des pieds déchaussées et tournés, des crampes sautillantes. Et l'accoutrement qui va avec, bricolage opportuniste de ruban adhésif de plombier en bandeaux qui auréole le crâne des piliers, doigts enserrrés et baguettés par du chatterton, scotch magic sur les arcades sourcilières, lacets prenant des allures de bande velpeau tant ils font de tours et de tours. Sans parler de la graisse, immémorial truc qui huile la peau des athlètes depuis deux mille ans... Un bain de boue par dessus le marché, finalement, on comprend que ça ne fait pas de mal.

    Joueurs de rugby, vous avez bien des choses à partager avec les danseurs dont le corps, très exposé, connaît la peau chauffée et durcie par le contact avec le sol, - en un sens plus rudes que vous, car souvent offerts au choc et aux frottements dans une nudité que vous réservez, chochottes, à vos vestiaires et à vos calendriers !!! Même s'ils sont épargnés par les traumatismes guerriers qui vous envoient à l'hosto, avec leur cortège de fractures, luxations et K.-O, ils connaissent aussi la périostite, les hernies, ruptures de ligaments et autres aponévroses. Comme les montagnards-randonneurs, dont je suis, qui excellent à détourner le moindre morceau de grip de tennis, vous savez aussi toutes les ressources du sparadrap, de la "deuxième peau" et de l'akiléine anti-frottement.

    Mais deux limites.

    L'une d'équipement. 
    Certes quelques rembourrages sous le maillot et caleçons-maintien sous la culotte, le protège-tibia et le protège-dents d'usage. N'oublions pas le "casque", alignement comique de dominos en plastique mou qui vous fait une tête de batracien suffocant, hideuse et sublime, soulignant le promontoire nasal, abaissant d'un cran le verrouillage frontal presque au niveau d'un néanderthalien : quel beau moment lorsque vous l'ôtez pour retrouver votre vrai visage de sapiens.. ! Magne, Betsen, Pelous : vous êtes vraiment les plus beaux à ce moment là ! Mais rien qui ressemble à une carapace, encore moins à une armure, offensantes pour l'adversaire.. et déformantes pour l'oeil du public. Rien que du défensif soft.medium_Casque.2.jpg

    L'autre, plus qu'hygiénique : symbolique. Pas de sang. 
    Rassure-toi lecteur, je ne vais pas me lancer dans une dissertation d'anthropologie savante sur ce sujet. Juste un petit rappel qui m'évitera de très longs commentaires. A la moindre égratignure, le dieu grec de la guerre Arès tournait de l'oeil, avouant ainsi sa gémellité avec sa soeur Aphrodite, au cou si blanc !

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  • Un "sport roi" : à Robert D.

    medium_SmileyRugby.jpgUn "sport roi" : à Robert Damien

    par Mezetulle

    Je fais ce blog en pensant à toi, Robert, rude "intello" (ce que je m'efforce d'être aussi), et joueur-entraîneur de rugby (ce que je ne suis pas). Nous avons les mêmes goûts forts, du livre, de la bibliothèque, de la pensée. Et quand tu parles du rugby, tu sais vraiment de quoi tu parles. Moi je parle en spectatrice, en amateur, je ne le vis pas de l'intérieur, mais je l'aime...

    Je t'emprunte parfois une idée en écrivant mes notes - notamment celle de la contrariété qui traverse le corps du joueur, celle de la nécessité du contact des corps.

    Les lecteurs pourront se faire une petite idée en lisant cet extrait de l'article que tu as bien voulu publier sur mon autre blog - où tu parles du rugby comme d'un "sport roi" :

    "Pourquoi royal ? parce qu'il contient tous les jeux et requiert l'alliance des contraires, impose l'union des extrêmes. Partant ce qui plaît dans ce jeu et fait sa rareté, c'est sa contradiction dans les termes, le multiple en un qui le rend insaisissable et saisissant, une chimère dialectique: tout le jeu consiste à la poursuivre dans la liberté des règles en exprimant ensemble et en même temps des dimensions partout ailleurs hétérogènes et séparées.

    Sans en dire plus, je demeure sidéré par ce qui est exigé d'un joueur de rugby: d'être à la fois courageux et inventif, élégant et combatif, percutant et dynamique, intelligent et engagé, généreux et contrôlé, lucide et ludique, ardent et vigilant, vaillant et respectueux, explosif et concentré... Des réquisitions antagoniques pour une métamorphose exaltante qu'un certain philosophe appelait la joie! Qui ne l'a pas connue ne sait pas ce qu'est le bonheur... "

    Extrait de l'article de Robert Damien "Deux ou trois choses que je sais à propos du rugby", publié sur Mezetulle

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  • Sport "de contact" (3) Les corps

    Sport "de contact" (3) : les corps 

    J'en viens enfin, dans cette troisième note sur le contact, au corps-à-corps.

    Le contact avec le corps de l'adversaire.
    Il est admis, et même requis dans les regroupements (maul, mêlée), les plaquages, les "percussions". Il s'effectue selon des lignes de force et de mouvement variées : pousser, tirer à soi, recevoir l'élan adverse en même temps qu'on le percute.medium_PlaquageEvitement.jpg

    Cette admissibilité et cette obligation de contact est singulière dans un sport de balle et d'équipe - aucun des autres ne le pratique comme admissible et encore moins comme requis.

    Cela affecte bien entendu la notion d'évitement, de crochet, de zig-zag, de faufilement. Au rugby, l'évitement n'a pas pour objet l'interdiction de toucher l'adversaire, mais il est au contraire nourri de la possibilité de le faire. On n'évite pas l'autre parce que c'est interdit, on le fait parce que c'est un choix de jeu, parce que c'est l'occasion d'un leurre. L'évitement et le contact sont symétriques et non opposés.

    Le contact avec le corps du partenaire : enlacement scapulaire des premières lignes et imbrications épaules-fesse, bras-cuisses pour former la mêlée, poussée verticale pour la prise de balle à la touche, empilement des corps pour "soutenir" l'homme à terre qui va lâcher la balle.medium_Melee.2.jpg

    Tous ces contacts, d'apparence sauvage, sont en réalité disciplinés, parce que permis. Le rugby, contrairement aux apparences, fait dans la nuance, mais oui ! Il sait faire autre chose que le "tout interdit" et le "tout permis" (après match, et encore : quand ça se passe bien...) qui caractérisent un autre sport de balle en équipe dont on a compris que je ne l'aime pas. Nuance du permis-mais-pas-tout, canalisation, exercice et reconnaissance de la force, fabrique de jeux de mains mais pas de vilains.

    Contacts pensés parce que avoués et non forclos, visibles et non relégués dans un infra-monde d'où ils ne peuvent que surgir que comme d'un enfer. Il n'y a pas d'enfer au rugby parce que les forces infernales sont présentes : humanisées ici et maintenant.

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