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  • Vous avez dit "rural, viril, sain" ?

    Un peu de poil à gratter. Vous avez dit "rural, viril, sain" ?

    Ca devient lassant, à la fin, d'alimenter un blog  à la louange du rugby, sans accroc. Finalement un peu trop lisse et bien pensant, pas tellement dans l'esprit "plaies et bosses".

    J'ai pensé qu'un peu de poil à gratter ne ferait pas de mal surtout après la défaite du 11 mars contre l'Angleterre. Mais trop facile d'aller le chercher du côté des détracteurs (si, si, ils existent). Je l'ai trouvé dans l'article d'un fin connaisseur, Philip Dine (1) : "Du collégien à l'homme (et retour) : rugby et masculinité en Grande-Bretagne et en France" (2) dont je vous livre ce passage iconoclaste.

    En tant que "sport de terroir", le rugby pouvait même servir d'antidote à l'exode rural des trente glorieuses. Dans les années 1950 et 1960, l’O.R.T.F. offrait à la nation un « rugby champagne » au pétillement international avec des attaquants vedettes comme les frères Boniface et Jean Gachassin, et permettait ainsi de présenter une image de continuité masculine définie régionalement qui masquait les changements rapides et radicaux qui se produisaient dans l’ensemble de la campagne française. C’était l’époque de l’exode rural déclenché par l’accélération de l’industrialisation, la réorganisation agricole programmée par la D.A.T.A.R. et la modernisation administrative de la France. Avec le soutien officiel du général de Gaulle et de l’ensemble de ses ministres, les rugbymen du Sud-Ouest devinrent un symbole de la continuité mâle qui pouvait être opposée à la nouvelle domination urbaine du « jeune cadre dynamique » et du « soixante-huitard ». Dans cette récupération nationale d’une passion jusque-là provinciale, Roger Couderc et Pierre Albaladéjo, les Obélix et Astérix des ondes, eurent un rôle clé, en proposant une construction ethnique de la masculinité française à opposer aux incertitudes sociales et politiques de ces temps de plus en plus troublés. Au moins sur le terrain de rugby et sur les écrans de télévision, les hommes étaient toujours des hommes; et en plus Basques, Gascons et Catalans.

    Ah ces "valeurs" rurales, régionales, viriles, spontanées, l'air pur qui vous nettoie les poumons des souillures citadines : ça vous préserve de l'émasculation, de la dégénérescence, ça vous vide l'esprit de l'urbanité efféminée et des manières-de-gonzesses-intellectuelles-parisiennes ! medium_Maillot_rose.jpg

    Là je sens comme un malaise... un léger froid dans le dos... (et encore, j'ai pris des gants, je vous ai fait grâce du passage sur le rugby pendant les années 40...).

    Heureusement qu'il y a eu ces chichiteux de Parisiens bourgeois intellos pour introduire le rugby anglais sous sa forme moderne en France. Et un siècle plus tard, voilà qu'ils ont osé un maillot rose ! Ouf, nous voilà sauvés de la grande santé terrienne et de la régénération !

    (1) Professeur de langue et civilisation françaises à Loughborough University.
    (2) Le Mouvement Social, 2002/1 (no 198), p.75-90. En ligne sur le site Cairn.

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  • Angleterre-France. Rose épineuse mais parfumée

    Angleterre-France. Rose épineuse... mais parfumée !

    Rose très épineuse, pleine de vigueur, d'allant, de couleur, de panache et d'endurance : elle a assuré le parfum et le plaisir spectaculaire de cette rencontre, face à un coq malencontreusement défensif qui finit par perdre ses ergots sur la pelouse de Twickenham.medium_Rose.jpg

    On se consolera comme on peut en relisant Victor Hugo (Dédain - à Lord Byron, Les Feuilles d'automne) :

                                  – Il dit par intervalles
    Qu'il faut aux jours d'été l'aigre cri des cigales,
    L'épine à mainte fleur ; que c'est le sort commun ;
    Que ce serait pitié d'écraser la cigale ;
    Que le trop bien est mal ; que la rose au Bengale
    Pour être sans épine est aussi sans parfum.

    Et en ajoutant, pour bien appuyer là où ça pique : "Rose is a rose is a rose is a rose" ... (Rugby Les Pins appréciera).

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  • Italie-Galles : la pénaltouche et l'échéance

    Italie-Galles : la pénaltouche et l'échéance mortelle

    "Il y a pénaltouche lorsque l'équipe pour qui a été sifflée la pénalité décide de taper en touche au lieu de la tenter. Dans ce cas, c'est cette même équipe qui effectuera la remise en jeu." (1)


    Cet après-midi, superbe exemple et bel objet de controverse à la fin du match Italie-Galles remporté par l'Italie 23 à 20.
    A la 80e minute, en face des buts italiens, les Gallois bénéficient d'une pénalité. Mais gardons à l'esprit qu'on est à la 80e minute, et que la fin du match est imminente.medium_chrono.jpg
    Vont-ils la tenter ? Si oui, ça ne fait jamais qu'une égalisation : pas terrible....  Alors - calcul - ils choisissent de jouer la touche : si celle-ci se déroule comme ils l'espèrent, ils ont une chance d'aller à l'essai et donc de remporter le match par 25-23 et même peut-être par 27-23 si l'essai est transformé.

    La touche est trouvée à quelques mètres de la ligne de but italienne. Et c'est à ce moment-là que l'arbitre siffle la fin du match. Certains commentateurs n'hésitent pas à parler d'une "faute d'arbitrage".

    Toujours est-il que voilà un beau sujet pour les philosophes : la question du temps, de la séquence et de l'échéance.

    Est-ce la même chose d'une part de "laisser jouer" la séquence "tir de pénalité" (ou dans d'autres circonstances la séquence "essai marqué-tentative de transformation") alors qu'on est sur la limite de temps, et d'autre part de "laisser jouer" une touche ?  Il me semble que la question qui décide est : "jusqu'à quand ?"

    Dans le premier cas c'est très clair et définissable a priori : jusqu'à ce que la balle quitte le pied du buteur et termine sa trajectoire. La séquence est une séquence finie, de même que la séquence "essai-transfo". Mais dans le second ?  La touche et ce qui la suit ne sont pas une séquence finie... et l'arbitre aurait aussi bien pu siffler la fin du match lors de la prise de balle, ou un dixième de seconde après celle-ci lorsque le joueur retombe au sol, ou même un un dixième de seconde avant un essai toujours potentiel... ? 

    L'imminence de l'échéance, c'est toujours pathétique. Y compris pour les échéances qu'on joue, pour les petites échéances, parce qu'elles sont une allusion à la fois dérisoire et sublime à la grande échéance, à la seule qui compte et qui donne leur sel à toutes les autres sans lesquelles on ne ferait jamais rien, on ne tenterait jamais rien.

    (1) Mathieu Lasselin : Le rugby en quelques mots français-anglais Maitrise LEA - 2002 / 2003 - Université Sorbonne nouvelle - Paris III Responsable : Loïc Depecker 

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  • Epouse ou mamie ?

    Epouse ou mamie ?

    Il faut bien, figure obligée, faire sa génuflexion rituelle lors de la journée des femmes du 8 mars, même quand on est comme moi une "gonzesse"…

    Annne Saouter a beaucoup réfléchi et travaillé sur les rapports entre le rugby et les femmes – celles qu’elle appelle « les femmes du rugby » : comme ce nom l’indique, il ne s’agit pas des joueuses elles-mêmes (on y reviendra dans un autre article), mais des femmes qui environnent le monde masculin du rugby. Elle est l’auteur du livre Etre rugby, jeux du masculin et du féminin, MSH / Mission du patrimoine ethnologique, 2000.

    Le texte qui suit n’est pas extrait de ce livre, mais d’un ouvrage collectif auquel elle a participé, Rugby : un monde à part ? (sous la direction de Olivier Chovaux et de Williams Nuytens, Arras : Artois presses université, 2005). J’aurai aussi l’occasion de revenir sur cette publication originale à plus d’un titre : chacun aura remarqué en effet qu’elle a été publiée à Arras, dans le Pas-de-Calais (vous voyez où c'est, ceux qui croient que les terres de langue d'oc épuisent toute la culture du rugby?).

    Dans sa contribution intitulée « Etre rugby, ou à propos d’une sociabilité de chair », après avoir évoqué la position inconfortable, discrète et pleine de tensions des « épouses », Anne Saouter aborde la description quelque peu épique des « mères » exubérantes, nourricières et laveuses de maillot :

    … même quand l’individu masculin devient adulte, un lien très fort persiste avec la mère par l’entremise du maillot, medium_Linge.2.jpget plus précisément de son entretien, chose dont ne veut justement pas se charger l’épouse. Quand il le peut, le joueur continue souvent, même après le mariage, d’apporter son linge sale à sa mère. […] Contrairement à l’épouse, la mère dans le rugby se « partage ». Laveuse ou nourricière, elle n’est pas censurée dans son maternage. Il en est également ainsi dans les tribunes : elle peut gesticuler, crier, et même donner des coups de parapluie (c’est du moins le genre d’anecdote qu’on se plaît à raconter dans le rugby : à en croire les récits, chaque club aurait sa mamie dotée de son parapluie menaçant !).

    Ces deux figures féminines – l’épouse qui devrait presque se contenter de répondre à l’adage « sois belle et tais-toi », et la mère librement volubile parce qu’absente de la sexualité des hommes – n’ont rien de bien original dans notre société. Il est néanmoins étonnant de les constater à ce point figées dans le rugby.

    Alors :  épouse ou mamie ?

    Ni l’une ni l’autre ! Je ne veux aucun ces rôles inhumains d’ange ou de sorcière - mais il en manque une au fait ! Voir la troisième.

    Heureusement il y a les femmes tout simplement, qu’elles soient dans les tribunes, sur les terrains et au clavier des blogs !

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  • Pas de dieu (2) : seulement des "dieux"

    Pas de dieu  (2) : seulement des dieux, des demi-dieux et des héros


    Comme je le disais dans le billet précédent, il n’y a pas de dieu au rugby, pas de "fortune" qui fait entrer la balle dans une cage, pas de fatalité : les circonstances suffisent. Les circonstances et bien sûr aussi la force, l'habileté des équipes. La vie est déjà assez compliquée comme ça, alors pourquoi inventer un deuxième monde encore moins malléable que celui-ci ?

    Du reste on n'a pas besoin d'un dieu supplémentaire, caché et importun, puisque les dieux sont là, sur le stade, enmedium_Chiron.3.jpg direct : les dieux, les demi-dieux et les héros de l'épopée antique. Rien à voir avec une divinité féroce, jalouse, fatigante, irrationnelle, exclusive, possessive, qui prétend être la seule, et que par dessus le marché on est obligé d'aimer (et en plus qui ne rigole jamais). Ah ! laissez-moi souffler un peu et relire mes classiques : la mythologie antique, l'Iliade et l'Odyssée c'est quand même plus marrant !

    Ici c'est comme qui dirait les dieux de l’Olympe et les héros qui se déploient dans un éventail varié. Ils sont plusieurs, ils sont pleins de qualités, de vertus, de turpitudes et de défauts. Ils réussissent magnifiquement et ils se plantent lamentablement : ce sont des dieux et des héros à l'image des hommes, on remet les choses à l'endroit.

    Ils nous ressemblent, on se reconnaît :

    medium_Bandeaux.2.jpg

    il y a le trapu qui pousse fort, le hargneux qui ne lâche pas, le petit qui court vite, le calme qui regarde en lui-même avant de taper, le stratège qui voit la bonne combinaison et qui fait des grands signes, le surdoué qui sait tout faire et qui peut remplacer n'importe qui, le rusé qui extrait la balle en regardant autour de lui comme un chat qui chasse les taupes… Et cela vaut au mental comme au physique. Il y en a pour tous les talents, toutes les forces, toutes les erreurs, toutes les balourdises. Malgré l’uniformisation croissante des gabarits (vraiment très regrettable, mais hélas tendance "lourde"), c'est encore taillé à la mesure de l'humanité.

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