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  • Une petite fille dans un monde de brutes?

    Une petite fille dans un monde de brutes ? Auch-Toulouse, 25 janvier (3-34)

    Sous la lumière crue des projecteurs, une petite fille hors d'haleine traverse dans sa longueur un terrain où s'affrontent des grands garçons autour d'un ballon.... Apeurée ? Esseulée et abandonnée par des parents indignes sur une pelouse de brutes où elle n'a que faire - et en nocturne en plus? Mais non, vous n'y êtes pas : on est à Auch, sur un terrain de rugby, ne vous faites pas de mauvais sang.

    medium_SupportersViolents.jpg C'est la fin du match, les supporters (de Toulouse ? d'Auch ? ah voilà bien encore une question de f.. ooteux...) envahissent le terrain. De plus le match n'est pas vraiment fini, l'aire sacrée hors temps et hors espace vient d'être violée par des enthousiastes peu regardants sur les règles. Ce devrait être le moment de tous les dangers, d'autant plus que l'équipe qui reçoit subit une large défaite. medium_Sablier.2.jpg

    Sauf que c'est du rugby, et que c'est comme au théâtre, comme au concert, comme à l'opéra : il y a un temps formel et un temps objectif et parfois ça s'emmêle un peu les pinceaux en un moment qui, redoutable en principe, est ici délicieux. Le temps formel, celui des chronos, est épuisé : la sirène a annoncé la fin des 80 minutes. Toulouse a largement gagné de toute façon. Mais le temps objectif, celui de l'action, est en cours : l'arbitre n'a plus d'yeux que pour devenir spectateur, pour subir à son tour la loi du jeu, de ce qui se passe vraiment. Car l'action en marche, comme toujours, est grosse d'un essai, elle n'est pas finie et elle est désormais seule maîtresse du temps (1).

    Et voilà-t-il pas justement que l'essai d'après-dernière minute est marqué par les visiteurs. La messe est archi-dite, non ? Comme les auditeurs enthousiastes d'un concert qui n'attendent pas le silence après la dernière note pour applaudir, une partie du public envahit le terrain. Notons bien que c'est pour applaudir les visiteurs victorieux et les vaincus qui se sont si bien défendus, et les petites filles ne sont pas les dernières dans cet exercice chaleureux. Mais attendez, tout de même, il y a la transformation ; même ultra-facile, elle pourrait être manquée.

    Le moyen de virer les supporters indiscrets d'un terrain de jeu de balle collectif ? Appeler la police ? Mais non, vous n'y êtes pas, on est à Auch, sur un terrain de rugby, et il y a des petites filles qui sautillent sur la pelouse, c'est normal. Il n'y a qu'à leur dire : attendez, ce n'est pas fini, il y a la transfo, poussez-vous un peu. Quelques index pointés avec le sourire suffiront, tout le monde comprend au quart de tour et pivote à toute vitesse pour rentrer en courant dans le monde profane, au-delà de l'enceinte sacrée encore quelques secondes.

    Le temps de cette course ajoute une troisième temporalité à celles que j'ai déjà repérées ; à quoi se mesure ce troisième temps de l'emmêlage des pinceaux, hors temps, mi-profane mi-sacré ? A la vitesse des jambes d'une petite fille de six ans, folle de joie, traversant un terrain de rugby dans sa longueur pour ne pas transgresser la règle plus longtemps... et pour voir une transfo en suspens.

    Merci au cameraman de Canal+ d'avoir montré ce moment à la fois dérisoire, drôle et édifiant : après cela, qu'on ne vienne plus me dire que le rugby est un sport de brutes.
    Au fait, l'essai d'après-dernière minute fut transformé. Maintenant je sais pourquoi on attend toujours un peu avant de frapper au but, dans un moment d'après-dernière minute où tout est pourtant déjà joué : pour que les petites filles de six ans terminent leur course.

    1 - Sur la temporalité du rubgy, lire aussi sur ce blog :  Bourgoin essouffle le temps et France-Ecosse, hymne à Saturne.

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  • Fluctuat nec mergitur

    Fluctuat nec mergitur. Paris champion de France

      par Mezetulle

    Le Stade français s'est fait très peur lors de la finale du Top 14 remportée hier soir sur Clermont (23-18) en vérifiant la devise de Paris "Fluctuat nec mergitur"... il flotte et n'est jamais submergé. medium_ParisBlason.3.jpgJe traduirais plus librement pour la circonstance : il boit la tasse en première mi-temps, puis sort la tête de l'eau en toussant, reprend son souffle, se souvient qu'il sait encore nager, retrouve son latin et arrache la victoire par deux essais (Pichot et Samo) transformés (Hernandez).

    Car du flottement, il y en a eu en première mi-temps, pour tout dire calamiteuse côté parisien... Touches mal inspirées, mêlées en reculant, pénalités et drop manqués, et surtout l'absence de ce je-ne-sais-quoi qui fait qu'on y croit. Drapeaux roses en berne, figés dans un Stade de France principalement animé par les dynamiques supporters jaunes de Clermont, survoltés à juste titre car l'équipe de l'ASM Clermont est dominatrice, offensive, bien sur ses jambes et offre un très beau jeu qui se concrétise par un score on ne peut plus net et mérité à la mi-temps : 9-0 en faveur de Clermont, score aggravé de 3 points encore dans les premières minutes après la reprise.

    Mais la seconde mi-temps a été ensuite le théâtre d'un retournement, avec un beau travail tactique du Stade, une excellente gestion des changements de joueurs (on appelle ça le coaching, non ?), une métamorphose physique et mentale qui s'installe et qui se matérialise dans un bouquet final.

    Autant que dans l'expérience technique, c'est dans sa force morale, une morale toute simple qui ne cède ni à l'abattement ni à l'euphorie (mais j'y reviendrai, vous n'échapperez pas à un peu de philo...) que le SF est allé puiser sa victoire en surmontant un déficit de fraîcheur physique maintes fois souligné par la presse. Cette égalité d'humeur trouve son répondant efficace dans la régularité d'une saison exceptionnelle. Le treizième Brennus du SF ne s'est pas décroché, tel une fiente de pigeon, d'un ciel capricieux pour tomber sur la tête de Paris - c'est un trophée largement mérité qui lève et fleurit d'un sillon patiemment creusé sur les pavés!(1)

    On en a vu de toutes les couleurs avec Christophemedium_Avec_Christophe.jpg (photo ci-contre repiquée sur le blog de Greg lundi matin), le papa de Greg avec qui j'ai assisté au match depuis la tribune Est - très bien placés dans la longueur du terrain juste avant le virage Nord Est. Et quel fin commentateur ! J'ai savouré, medium_FinaleTop14Soleil.jpggrâce à lui, une analyse de match sur le vif. J'ai passé une excellente soirée et pas seulement parce que mes chouchous ont gagné. La satisfaction d'y comprendre quelque chose, d'avoir aussi un regard plus distancié, lucide, est bien plus agréable que la joie bête incapable de s'extraire de la glu de l'identification immédiate "on a gagné"... Merci Christophe pour ce regard serein, et aussi pour l'écharpe bicolore de la Finale Paris-Clermont !

    Dans le RER à mon retour, une dame (pas tout à fait mon âge mais pas vraiment une minette) en bleu et jaune s'étonnait que les Parisiens une fois dans le métro n'exultent pas bruyamment et se contentent d'agiter les drapeaux roses avec un air béat et presque étonné : "vous ne faites pas la fête dans le métro ?" C'est que tout simplement ils ont eu peur et qu'ils n'en sont pas encore revenus ! C'est que peut-être comme moi ils goûtent le plaisir d'une victoire considérée avec un peu de recul. Et pourquoi écraser les autres quand on a senti pendant 70 minutes le vent du boulet?

    C'est aussi, il faut le dire, qu'ils ont rendez-vous dimanche matin sur les Champs-Elysées pour fêter ça. Il va y avoir du rose pour enrubanner le bouclier de Brennus. La photo à droite a été prise lors de son passage à la fin du match, il faut vraiment le savoir : ça vous donne une idée de la nullité du reportage photo que je vais essayer de placer demain en album (2). J'espère que Christophe et Greg feront mieux sur le blog du Mini-jaune, ce ne sera pas difficile...medium_FinaleTop14Le_Brennus.jpg

    Greg ne pleure pas, j'ai confié à ton papa le tee-shirt rose que, suivant les conseils d'Ovalove, j'avais jeté sur mes épaules par-dessus le polo marine fleurdelisé. Il te le donnera de ma part et surtout dis-toi bien que c'est celui de La Choule avant d'être celui du Stade français. Plus une minisurprise jaune. Nous y étions !

    Il est 2h, je vais me coucher, encore une rude matinée demain à arpenter les Champs-Elysées. C'est dur la vie de supporter, finalement.

     Sommaire du blog

    1 - Là, en me relisant, je trouve mon style un peu enflé... Je ne suis pas encore au niveau du Midol, mais le genre sublime n'est pas loin. Je suis sûre que Lio appréciera le rapprochement entre la charrue et le marteau-piqueur.

    2 - Dimanche soir :  l'album de la Fête du Brennus est en ligne. Voir aussi le match en photos sur le site de L'Equipe.

  • Des billets mérités

    Des billets mérités au prix de dures souffrances : une épreuve initiatique

     par Mezetulle

    Il faut les mériter, ces billets pour la finale du Top 14 samedi au Stade de France. Récit du parcours héroïque effectué par La Choule mardi 5 juin.

    La finalité de l'expédition est bien sûr d'acheter des billets pour samedi soir au Stade de France.  Je fais partie du "grand public" : il faut comprendre les personnes qui ne peuvent exhiber ni la carte rose des adhérents de l'association du Stade français ni un billet de la demi-finale à Bordeaux (ceux-là avaient droit à une séance spéciale de vente lundi). Il me faut donc entreprendre l'expédition mardi, jour de la piétaille, du tout-venant, des petits, des sans-grade. 

    Le but géographique à atteindre est la boutique du Stade français, près du Parc des Princes et du stade Jean Bouin, métro porte de Saint Cloud. C'est exactement à l'autre bout de Paris pour moi (départ Porte de Bagnolet). Ils ne peuvent pas avoir une boutique dans l'Est ou dans le Centre de Paris, non ?

    Les obstacles sont grands. Une heure de métro, avec changement à Havre-Caumartin, toute la deuxième partie du trajet debout. Et lorsque j'arrive encore assez fringante devant la boutique vers 11h du matin (1h après l'ouverture des guichets), je comprends tout de suite que le tout venant est venu, qu'il est déjà là, et je commence à regretter d'avoir traîné un peu trop tout à l'heure devant mon café, d'avoir regardé mon mail avant de partir, d'être remontée chercher mes lunettes de soleil (si si, il fait très beau à Paris en ce moment), bref d'avoir perdu une bonne demi-heure en futilités et autres faux départs.

    medium_05062007_001_.jpgVoici à quoi ressemble le tout-venant qui était déjà là : une queue monstrueuse d'environ 200 personnes faisant le tour du gymnase what's-its-name-je-ne-sais-plus. Sur la photo on ne voit qu'une partie de la queue, mais il faut imaginer le virage à angle droit jusqu'à l'endroit d'où je prends la photo. Et encore, ça avait avancé le temps que je repère l'extrémité, que je m'y place, que je fasse connaissance avec mes voisins, que je prenne mes habitudes dans la queue et que je me décide au bout d'un gros quart d'heure à sortir le téléphone-appareil photo.

    La progression est très lente ; on comprend que ce sera dur et stressant, qu'"on n'est pas sortis de l'auberge" et qu'on pourra peut-être en sortir les mains vides. Elle est entrecoupée de nouvelles plus ou moins alarmantes diffusées par un jeune homme très gentil qui passe la queue en revue, le téléphone portable collé à l'oreille, sourit et annonce  "il reste x billets à x Euros, y billets à y Euros.." et chaque fois ça change, en baisse (pas les prix, le nombre de places).

    Alors on calcule le nombre de places annoncées puis on divise le tout par deux (car chaque personne aura droit à deux billets pas plus et vous ne croyez tout de même pas qu'il y en a qui n'en prendront qu'un ?) et on compte les gens qui sont devant nous... L'effet de cette opération est déprimant. Je me dis : je suis juste à la limite, je vais rentrer bredouille (j'aurai au moins les photos de mon supplice et je pourrai me vanter bêtement dans le style boy scout "l'important est de participer"). Certains partent, découragés (dissuadés?). Avec mes deux voisins, un supporter de Clermont et un supporter du Stade français, on a sympathisé, on décide de s'incruster malgré tout, nous irons jusqu'au bout, peut-être pas jusqu'au guichet, mais jusqu'à ce qu'on nous congédie.

    Puis le jeune homme finit par ne plus laisser entrer personne, il ne ferme pas la porte vitrée car il fait chaud, mais il éconduit fermement les nouveaux arrivants : inutile, il est certain qu'ils n'auront pas de billets. Cette fermeté me rassure : s'il refoule les nouveaux arrivants, c'est que les "anciens", ceux qui sont déjà là depuis... - depuis combien de temps déjà ? Une heure et demie - ont une chance ? Je fais quand même partie de ceux qui ont eu le droit de prendre place dans la queue : pas mal, non ? comme dirait Jane Fonda dans la pub pour la crème machin.medium_05062007_002_.jpg

    On s'installe dans la queue avec une certaine fierté, on prend ses aises, on se refile les journaux, on commente les derniers matches, on énumère les joueurs, les incertains, les blessés. On a même vu passer furtivement deux demi-dieux dans une allée longeant le bâtiment : Nicolas Jeanjean et Christophe Dominici. 

    Il y a du progrès : je peux voir le guichet dont je suis séparée par une vingtaine de personnes maintenant.

    Puis les chiffres, après avoir baissé, remontent brusquement. C'est comme à la Bourse, il fallait avoir les nerfs pour laisser passer le mini-crack. J'imagine que les coups de fil avaient pour objet de racler les fonds de tiroir des places encore invendues mises à disposition des clubs dans tout le pays, pour les réinjecter dans les circuits qui "marchent" bien. 

    medium_05062007_004_.jpgAu bout de deux heures et quart, sans boire et sans faire pipi, ça y est c'est mon tour ! Mon voisin me prend très gentiment en photo en pleine action, armée de ma Carte bleue et décorée de lys roses sur fond marine.

    Je découvre avec effarement qu'il n'y a qu'un seul guichet, tenu par une ravissante jeune fille en polo rayé blanc-rose. Si la SNCF ou La Poste nous faisait ce coup-là, ce serait l'émeute. Mais là c'est tout le contraire, tout le monde est charmant, on caresse les billets tant désirés, on reste bien élevé, on ne les brandit pas au nez de ceux qui salivent encore dans la queue, mais peu s'en faut. On est presque content d'avoir fait cette queue : c'est comme si on avait réussi une épreuve initiatique pour entrer dans le cercle des bienheureux, ceux qui ont un billet pour le Stade de France. Les supporters, pour pouvoir supporter, doivent supporter...

    La preuve que c'est une épreuve initiatique ? Mais elle est là sous vos yeux : c'est que je la raconte !! Je pourrais dire que j'y étais! Et non seulement j'y étais, mais ça n'a pas été donné à tout le monde de souffrir comme ça (revendiquer une souffrance collective, c'est le signe qu'un esprit de corps s'est installé et qu'on a droit à une certaine considération), je jubile d'une joie mauvaise en voyant à mon retour l'annonce toute guillerette et narquoise, un rien précieuse et en plus ornée d'une faute d'orthographe "à l'ancienne", qui s'affiche sur le site du Stade français:

    Le Stade Français Paris n'a plus de places à vendre pour la finale. Les précieux sésames ont été littéralement pris d'assault [sic] par les supporters parisiens.

     vous voyez bien, ils parlent même de moi !!! 

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