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La Choule - Page 10

  • Cafouillage sublimé à Croke Park

    Cafouillage sublimé à Croke Park

     par Mezetulle

    Un régal ce match Galles-Irlande...  et un régal aussi d'entendre Jérôme Cazalbou expliquer le seul essai de la rencontre, avec cet "appui sur raffût" qui a rencentré la course du joueur Gallois... on ressentait, avec les mots, les forces s'exercer.

    C'est vrai que le match était passionnant, jusqu'à trois minutes de la fin où les Gallois ont mis au chaud quatre points d'avance en couvant le ballon par un jeu au ras "chronométrique".... un peu ennuyeux. Trois minutes d'ennui sur 80, ce n'est pas mal.

    C'est vrai que les Irlandais peuvent s'en prendre à leur numéro 16, auteur d'un coup d'épaule gratuit qui aurait pu (dû) lui valoir un carton jaune au moment où la rencontre pouvait basculer ; même sans cette punition, la bêtise a été payée d'une pénalité en faveur des Gallois, leur donnant l'avance décisive en fin de partie.

    Mais surtout, on est admiratif devant le jeu surabondant des Gallois. Surabondant, je veux dire par là qu'ils marquent bien en deçà des actions réelles, tant ils manquent parfois de jugement, tant ils se font pénaliser, jouant à 14 contre 15 pendant vingt minutes. Et c'est une vertu, de pouvoir jouer tellement tellement qu'en "scorant" 70% de ce qui était possible et prévisible, on gagne quand même ! Il y a longtemps qu'on avait vu un jeu où il faut en faire toujours un peu trop pour gagner. Un jeu qui ressemble à la cuisine de ma grand'mère : mets ce qu'il faut (pas la peine de mesurer, ça se voit) et rajoutes-en une cuillère, ça ne peut pas être mauvais.

    Imaginons maintenant qu'ils puissent aligner le rendement sur l'investissement, rentrant dans le rang gestionnaire de "l'efficacité" rugbystique tant vantée ces derniers temps...
    Beurk, non, pas ça, pas encore (le style des 3 minutes finales a montré qu'ils savent aussi le faire) : je les préfère avec leur majestueux cafouillage constamment rattrapé, constamment dépassé, homomorphe au rebond d'un ballon de rugby. Il y en a tellement qu'il en reste assez pour marquer et pour gagner ! Mais ça porte un nom en français, même que c'est une vertu : la générosité.

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  • La Choule a un an !

    La Choule a un an !

    par Mezetulle

    La Choule fête aujourd'hui son anniversaire. Il y a un an, elle déboulait sur la pelouse, brandissant sa pancarte intello, traînant sa langue d'oïl picarde et sa fleur de pavé parisienne qui a bien vite viré au rose... Elle fut accueillie dans la plus pure tradition des gentlemen et de l'esprit qui souffle sur les balles ovales, pas seulement pour les gonfler.

    En cadeau d'anniversaire, le XV de France lui offre une défaite contre l'Angleterre... défaite pleine de promesses, encourageante. On a beau cultiver le grognon qui met le Stade de France en bouteille avec des « si » imprécateurs, on n'arrive pas à se lamenter, encore moins à pleurer devant ce bouquet de bourgeons acides encore duveteux sous le soleil de février, un peu naïfs mais tellement talentueux et courageux. A mon avis, ce genre de bourgeon fleurit et mûrit vite.

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  • Grognon rose sur gris lumineux

    Grognon rose sur gris lumineux

    par Mezetulle

    Ce sont les couleurs que je propose à Max Guazzini pour le prochain maillot du Stade français, après avoir vu le match contre Castres vendredi soir 22 février, soldé par une écrasante et étonnante victoire du Stade 47 à 16.

    Rose grognon comme le jeu brouillon et angoissant de mes chouchous en première période. Rose grognon comme un jour de métro bondé où les gens râlent leur indécrottable bonne humeur, se "traitent" avec une rhétorique impeccable, se tassent pour finir par trouver leur place. Grognon râleur "je fais tout de travers, mais finalement on s'en sortira, et d'ailleurs tout le monde me déteste et j'adore ça" dans la grande tradition parisienne brillamment illustrée hier par les mâchoires crispées et le regard méchant de Fabrice Landreau sous son bonnet rose, pas content, pas content.

    Qu'est-ce que vous voulez, on est en avance au score à la mi-temps, mais franchement c'est nul, cafouilleux, plein de fautes. Ils vont prendre une sacrée remontée de bretelles dans les vestiaires, vous allez voir ça... Même Antoine Burban, sanctionné pour avoir été plaqué en l'air...? Eh bien, c'est bien fait : c'est pour toutes les fautes que l'arbitre n'a pas vues. Landreau c'est le genre de père de medium_Echauffement.2.jpgfamille comme je les aime : "Tu t'es pris une gifle par l'instit, et en plus tu dis que tu ne l'as pas méritée? Je vais t'en coller une autre, moi !" Et Galthié dans sa cage en verrre qui ne décolère pas, rivé à son téléphone : comment, 25 à 9 à la mi-temps ? Mais vous vous êtes vus ? C'est comme ça que vous voulez recevoir Perpignan et Toulouse ? C'est comme ça que vous voulez aller à Clermont et à Biarritz ? Vous avez eu du bol que leur défense à Castres ne soit pas au point, c'est tout. Allez, caltez !

    Rose grognon comme ces commentaires de Canal + en forme de désolation chaque fois qu'une action parisienne était en cours, une vraie oraison funèbre au secours de l'Ovalie castraise qui m'a fait rire pendant tout le match. Ils sont même allés jusqu'à dire "Oui les Parisiens vont se faire eng... dans les vestaires, mais en revanche ce qu'il faut aux Castrais, ce sont des paroles de réconfort, de consolation". En entendant ces propos insultants révélant une grande finesse psychologique, là oui vraiment j'ai eu une pensée désolée pour les Castrais qui ne méritaient nullement une compassion aussi humiliante ! Cela, c'était vraiment à pleurer ... C'est comme si, avant le bac, j'avais dit à mes élèves : "mes pauvres petits, vous allez vous casser la gueule, mais je vous aime bien, ce n'est pas grave, maman vous console d'avance"... Je leur disais au contraire: "Ce ne serait pas tellement étonnant que vous ratiez votre bac. Alors, étonnez-moi". Et ils le faisaient.

    Je conseille aux commentateurs de Canal+ de lire le traité d'éducation de Locke ; il y est dit que les enfants, tout comme les hommes, ont trois passions dominantes: la liberté, l'empire et la gloire. Et qu'aucune des trois ne peut s'étouffer, mais que toutes peuvent et doivent se cultiver, s'élever, se civiliser.

    Gris lumineux comme la tronche de Fabien Galthié qui comme d'hab se retient de sourire après la victoire, qui commence déjà à seriner que la semaine prochaine si on continue comme ça, eh bien ça n'ira pas du tout. Gris lumineux comme le visage à la fois terrorisé et rayonnant du tout nouveau "bébé colosse" Quentin Valençon, tuilé par Christophe Dominici qui sort et lui passe le relais après avoir marqué medium_061014_drapeaux_b.jpgun essai (oui Christophe, tu as toujours la "gnac"), bourré de secousses amicales par le capitaine Blin. Comme le visage étonné de deux minettes agitant leur drapeau rose, n'en croyant pas leur yeux, mais si je t'assure, ils ont gagné, après nous avoir fait croire que rien ne va....
    Gris lumineux comme le ciel de Paris où on n'ose jamais dire qu'il fait beau - ça ferait tellement de jaloux, et puis de toute façon il vaut mieux dire qu'on se déteste soi-même, qu'on est mal, qu'on est bien mieux à Syracuse, sur le Fuji-Yama, etc. etc. Et comme ça quand on est vraiment dans le gris, on est vacciné, on sait boire la tasse en chantant une chanson où on se souvient de Syracuse, etc.

    D'ailleurs moi aussi je suis comme ça: je me dépêche de faire un article grognon rose, des fois qu'on soit vraiment à la peine dans la suite, qui s'annonce grise et dure comme le mâchefer...

    Alors finalement, voyons ce maillot. Mmmm, le cacadoie ? Arrf.. On en garde quand même un peu, rien que pour salir le rose et le gris lumineux. Sinon, on aurait mal aux yeux.

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  • Carpe diem

    Carpe diem. Heureux ceux qui ont appris à lire dans Horace

     par Mezetulle

     "Cueille donc le jour présent, sans trop te fier au lendemain". Que vient faire ici la célèbre citation de l'Ode à Leuconoé d'Horace ? Mais exactement ce qu'elle fait, tatouée sur les reins de Trevor Hall, le 7 du Biarritz Olympique qui, se faisant passer un petit coup de massage-gel aérosol vendredi dernier lors du match contre Montpellier, a medium_Horace3.jpgcomplaisamment laissé le soigneur remonter son maillot sous la caméra de Canal +, me laissant juste le temps de reprendre mon latin... Carpe diem, oui oui, c'est bien ce que j'ai lu, je n'en croyais pas mes yeux... Et l'équipe du BO l'a bien cueilli, ce jour de victoire, comme une fleur sur la pelouse de Montpellier.

    Je n'y serais pas revenue si, ouvrant ce matin Le Parisien, je n'avais encore rencontré la citation, à peine voilée, dans les déclarations de Morgan Parra le nouveau demi de mêlée du XV de France, et sans l'accompagnement ordinaire du contresens jouisseur qui, encouragé par une lecture hâtive de Ronsard, la déforme trop souvent. Au contraire, la voilà reprise et assaisonnée comme il convient à la belle sauce antique du "kairos" (l'occasion à saisir et qui ne repassera pas):

    Là on me donne ma chance, à moi de la saisir pour l'affirmer. Je prends chaque jour comme un nouveau bonheur.

    Et on a même une variante sur Rugbyrama :

    Moi, je prends les choses comme elles viennent, je profite du plaisir et du bonheur que me procurent ces moments.

    Tout l'esprit du jeu est là, dans cette saveur du présent qui s'offre et qu'il ne faut pas laisser fuir en s'empoisonnant à la coupe du tourment possible à venir. C'est tout ce qu'on lui souhaite: cueillir, avec la toute jeune équipe, ce 23 février contre l'Angleterre sur la pelouse du Stade de France, et si possible nous offrir le bouquet du beau jeu qui pense d'abord à lui-même. Heureux ceux qui ont appris à lire dans Horace. Et qu'on puisse continuer la lecture des poètes avec Corneille :

    Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées
    La valeur n'attend pas le nombre des années.

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  • Saturne, un dieu fort inquiétant

    "Il porte un joli nom, Saturne, mais c'est un dieu fort inquiétant"
    Réflexion (encore) sur le temps

     par Mezetulle

    Avant de regarder un match de l'équipe de France, je prends mes précautions en faisant une petite heure de cardio-endurance. D'abord ça me déculpabilise : je ne suis pas une sportive en chambre, et je peux tranquillement medium_elliptique.jpgavaler un peu de malbouffe comme il sied pendant le match, le derrière vissé sur mon canapé. Mais surtout,  j'ai pris cette habitude salutaire à force de regarder les matches du Stade français, horripilants et délicieux tellement ils sont incertains et victorieux de justesse en dernière minute. Pas besoin, comme le dit Brassens, de traverser des "équinoxes funestes" pour que "le petit bout de coeur qui me reste" (ou plutôt que mes chouchous me laissent) batte la breloque: il suffit de regarder le chrono. Les dix dernières minutes surtout.

    France-Irlande samedi 9 février. Ma séance de cardio semble bien être une précaution inutile cette fois. Voilà que, souverains en habileté, servis par une double paire de chaussures orange, même qu'on aurait dit les ailes de Mercure multipliées par deux, la partie aérienne et flamboyante des dieux de l'Olympe en maillot bleu nous installe sur un nuage à la mi-temps avec une très confortable avance au score. Ouf mon coeur on peut rester calme.
    Sauf que la partie terrestre et infernale des mêmes dieux fait défaut au cours de la deuxième période : les cartouches de l'habileté ne peuvent être tirées que si le soubassement de la force et de la persévérance (version morale de la force) tient jusqu'au bout. Sans Vulcain, sans Pluton, sans Neptune et leurs ministres obscurs, Mercure, Minerve et Jupiter lui-même sont impuissants. Et c'est là que le retour des dieux de la première génération risque d'être fatal sous la conduite du terrible Chronos (Saturne en latin), le temps qui dévore ses enfants. Le chrono, transformé en machine à dévorer les pointsmedium_SaturneCourteysEcouen.3.jpg d'avance allait-il transfigurer les diables verts irlandais en titans ? Non, mon coeur, mais tout de même, cinq minutes de plus et on était mal, non ?
    Les Anglais, ce dimanche, ont eu quelques sueurs froides aussi, grignotés sur la pelouse du stade Flaminio à Rome par un Chronos qui commençait à pousser les Azzuri...

    Voilà pourquoi, lorsque (dans ma première vie) j'étais professeur, je prenais soin, en faisant passer un examen oral, d'observer rigoureusement le temps limité de l'épreuve: vous n'imaginez pas le nombre de bêtises qu'on peut faire dire à un élève, surtout s'il est brillant, rien qu'en medium_chronosGoya.jpgpoussant un peu le chrono...

    Imaginons maintenant un match qui durerait tout le temps, sur un terrain sans limites, un jeu qui ne s'arrêterait pas, une pièce de théâtre dont on ne verrait pas la fin, comme ce terrible et bien nommé Outrage au public de Peter Handke. Outrage absolu : à l'habileté, à la force elle-même, et à la liberté.

    Et comme le dit encore le poète "Il porte un joli nom, Saturne, mais c'est un dieu fort inquiétant".

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