Epouse ou mamie ?
Il faut bien, figure obligée, faire sa génuflexion rituelle lors de la journée des femmes du 8 mars, même quand on est comme moi une "gonzesse"…
Annne Saouter a beaucoup réfléchi et travaillé sur les rapports entre le rugby et les femmes – celles qu’elle appelle « les femmes du rugby » : comme ce nom l’indique, il ne s’agit pas des joueuses elles-mêmes (on y reviendra dans un autre article), mais des femmes qui environnent le monde masculin du rugby. Elle est l’auteur du livre Etre rugby, jeux du masculin et du féminin, MSH / Mission du patrimoine ethnologique, 2000.
Le texte qui suit n’est pas extrait de ce livre, mais d’un ouvrage collectif auquel elle a participé, Rugby : un monde à part ? (sous la direction de Olivier Chovaux et de Williams Nuytens, Arras : Artois presses université, 2005). J’aurai aussi l’occasion de revenir sur cette publication originale à plus d’un titre : chacun aura remarqué en effet qu’elle a été publiée à Arras, dans le Pas-de-Calais (vous voyez où c'est, ceux qui croient que les terres de langue d'oc épuisent toute la culture du rugby?).
Dans sa contribution intitulée « Etre rugby, ou à propos d’une sociabilité de chair », après avoir évoqué la position inconfortable, discrète et pleine de tensions des « épouses », Anne Saouter aborde la description quelque peu épique des « mères » exubérantes, nourricières et laveuses de maillot :
… même quand l’individu masculin devient adulte, un lien très fort persiste avec la mère par l’entremise du maillot, et plus précisément de son entretien, chose dont ne veut justement pas se charger l’épouse. Quand il le peut, le joueur continue souvent, même après le mariage, d’apporter son linge sale à sa mère. […] Contrairement à l’épouse, la mère dans le rugby se « partage ». Laveuse ou nourricière, elle n’est pas censurée dans son maternage. Il en est également ainsi dans les tribunes : elle peut gesticuler, crier, et même donner des coups de parapluie (c’est du moins le genre d’anecdote qu’on se plaît à raconter dans le rugby : à en croire les récits, chaque club aurait sa mamie dotée de son parapluie menaçant !).
Ces deux figures féminines – l’épouse qui devrait presque se contenter de répondre à l’adage « sois belle et tais-toi », et la mère librement volubile parce qu’absente de la sexualité des hommes – n’ont rien de bien original dans notre société. Il est néanmoins étonnant de les constater à ce point figées dans le rugby.
Alors : épouse ou mamie ?
Ni l’une ni l’autre ! Je ne veux aucun ces rôles inhumains d’ange ou de sorcière - mais il en manque une au fait ! Voir la troisième.
Heureusement il y a les femmes tout simplement, qu’elles soient dans les tribunes, sur les terrains et au clavier des blogs !
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