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  • BO-USAP, les blasons jumeaux

    BO-USAP, les blasons jumeaux

    par Mezetulle

    Serge, cette fois j'ose mettre une photo de toi sur ce blog (pas terrible cette photo du reste, mais elle a le mérite d'être repiquée sur le site du BO juste avant le match d'aujourd'hui). Comme le concours de blogs est fini, on se sent libre maintenant et peu suspect de léchage de crampons...medium_betsen0796.2.jpg

    Il fallait bien cela pour célébrer la victoire du BO cet après-midi, à l'autre bout de la chaîne pyrénéenne, sur Perpignan 23 à 15.

    Deux clubs symétriques par leur situation géographique bien sûr. Par la valse de leurs places en ce moment au top 14, ils se suivent, et se dépassent... à tous les sens du terme.  

    Symétrie frappante inscrite durablement sur les blasons :

    medium_USAP.jpg

    De la rayure, verticale, avec du rouge, le rouge très pur de la couleur élémentaire bien sûr, dans la version éclatante vermillon pour Perpignan et la version pourpre majestueuse pour Biarritz. Seule l'autre couleur est discriminante, et encore, on est toujours dans les bases de la théorie de la lumière.

    Côté Roussillon, bien sûr c'est la reprise du mythique blason "d'or à quatre pals de gueules" donné dit-on par Charles le Chauve à la Catalogne, mais on y voit aussi les rayons de la lumière jaune qui écrase les tableaux de Salvador Dali.

    Rayons de lumière blanche côté Pays basque éclaboussé par l'écume océane - et cette fois on est au-delà et en deçà de toute couleur puisque la lumière blanche est la condition de visibilité de toute couleur et que le blanc n'est autre que la somme de toutes les couleurs...

    Mais nulle rayure sur les maillots : comment les suivre et les distinguer dans un affrontement gémellaire ?medium_PerpignanBiarritz_Sport365_.jpg

    Cette histoire de rayons et de rayures délaissées, ça me donne une idée pour un prochain article intello... à suivre.

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  • Rugby, mouvement symphonique

    Rugby, mouvement symphonique

    J'ai parlé beaucoup de littérature, pas mal de danse ; alors un peu de musique maintenant.

    Arthur Honegger a composé trois mouvements symphoniques : le célèbre et très mécanique Pacific 2.3.1. en 1923 suivi en 1928 par Rugby. Quant au troisième, il ne porte pas d'autre titre que celui de son genre.

    medium_HoneggerCassan.jpg Finalement, ça conviendrait très bien au rugby cette seule qualification de "mouvement symphonique". Mouvementé, c'est ce que tout le monde peut voir. Symphonique aussi, non pas au sens d'un consensus bêlant où on n'entend qu'une seule voix et où on rase tout ce qui dépasse, mais bien au contraire au sens d'une conjugaison de timbres, de hauteurs, de rythmes, de colorations... comme celle des gabarits, des rôles et des talents sur la pelouse.

    Surtout ne pas chercher à écouter cette pièce comme de la musique descriptive, ce qui reviendrait à la tailler en pièces, à y trouver de toute façon ce qu'on cherche (ah oui les cuivres, c'est la force, le thème en canon ce sont les passes, et puis la petite pointe suraigüe là ce serait un drop ?...) en écrasant la musique sous ce qu'elle n'a jamais voulu ni su peindre... et ce qui serait une manière de ne pas l'écouter, de la livrer à un asservissement extérieur - la pire chose qui puisse arriver à une oeuvre d'art : être hors d'elle-même.

    Il faut au contraire se laisser porter, envahir par une ambiance, par une coloration, par une vigueur générale. Et si on veut absolument se protéger de la musique, se boucher les oreilles, se rassurer avec de l'extériorité, il suffira de se livrer à l'anecdote : se dire que Honegger, ce Suisse de nationalité, est né à 0 m au-dessus du niveau de la mer au Havre, berceau du rugby continental moderne avec le Havre Athletic Club (maillot ciel et marine) qui jouait au stade "Langstaff" - du nom du passeur anglais qui l'acclimata sur la côte est de La Manche.

    Sur Arthur Honegger :
    http://arthur-honegger.com/francais/biographie.htm
    http://www.musicologie.org/Biographies/h/honegger_arthur.html

    Sur l'introduction du rugby au Havre en 1872, lire l'article de Laurence Soulard sur le site de la ville du Havre

    Le portrait d'Arthur Honegger par Colbert Cassan est emprunté au site http://pagesperso.erasme.org/michel/cc/index.html

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  • Suite et fin d'une trilogie légendaire

    Suite et fin d'une trilogie légendaire

     par Mezetulle

    Je reprends mon exercice de généalogie légendaire au sujet du "Porthos de Cahors" dont il a été question dans ma note du 5 avril. Comme on l'a vu, cet Hercule paysan tenait de Jean Valjean la force de soulever une charrette transformée pour l'occasion en moissonneuse-batteuse. medium_CincinnatusLilleBA.jpg

    Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Henri Garcia, dans Les Contes du rugby (1), lui attribue encore d'autres exploits. Il maîtrise d'une seule main un étalon qu'on vient de châtrer - on retrouve sous une autre forme les boeufs non pas soulevés, mais "retournés" d'un revers de main du texte de Tillinac. Enfin, employé à l'entretien du stade de Cahors, il retourne le sol entièrement à la bêche, à la main... et, sollicité en 1961 pour une dernière tournée en Afrique du Sud, il préfère pourtant renoncer afin de poursuivre la construction de sa maison de ses mains.


    Il faut remonter un peu plus haut que Victor Hugo pour flairer ici la trace de deux sources anciennes, mais la réminiscence n'en est pas moins scolaire.

    medium_BucéphaleGrosMuséeLouvre.3.jpgLe jeune Alexandre le Grand dompta le cheval Bucéphale en le plaçant face au Soleil - une seule main lui avait certainement suffi pour cela : bien sûr c'est Plutarque et ses Vies...

    Quant au paysan-fondateur appuyé sur sa bêche (ou sur sa charrue) et qui retourne à son champ aussitôt sa tâche glorieuse accomplie sans se laisser séduire par d'autres sirènes politiques, il faut se tourner vers la fabuleuse histoiremedium_CincinnatusRomanelliLouvre.jpg romaine pour reconnaître le vertueux Cincinnatus... bien connu des générations de latinistes qui ont pâli sur le De Viris Illustribus d' Aurélius Victor.

    Guerriers politiques, paysans travailleurs et poètes conteurs ou scribes - tous adeptes d'un culte mythique de la force quelle qu'en soit la nature : la trilogie est parfaite, elle se décline dans chacun des personnages, dans chacune des légendes...

     Le rugby est nourri de ces mythes gréco-latins, qui puisent probablement leur source lointaine dans l'idéologie indo-européenne naguère étudiée par Georges Dumézil... Il n'est pas, comme certain sport manchot, une simple "culture", mais il est partie prenante d'une grande civilisation... dont il conserve la mémoire... et les mains !

    1 - Paris : La Table ronde, 1961.

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  • SF bat Brive, mais où sont les pavés ?

    Stade français bat Brive, mais où sont les pavés et le rugby des fortifs ?

      par Mezetulle

    De quoi faire enrager Tillinac et lui faire écrire encore de belles pages bougonnes comme je les aime. Paris bat Brive, on aura tout vu et  Alfredou Roques, le Porthos de Cahors issu de Tulle - mais qui préfère quand même Brive à Paris - en medium_SF-Brive070407_PhotoSF_.jpgavale un pavé surgi sous la pelouse de Jean Bouin (1).

    Soyons juste : comme chacun sait, Paris reste une grande ville corrézienne de France - même depuis que Chichi n'est plus maire !  - comme elle est aussi ville auvergnate, ariégeoise, italienne, bretonne, landaise, anglaise, maghrébine, béarnaise, américaine, africaine, chinoise, portugaise, thaïlandaise, turque, pakistanaise, indienne, espagnole, etc. Je parle bien sûr des habitants : car c'est la seule ville de France où il est à la fois rare et plutôt mal vu d'être né sur place !! Le pavé est intéressant parce que déraciné et gluant de la boue de tous les terroirs.

     Très loin des quartiers chics où les pavés et la boue font peur, faisons un tour au café Pelleport, jadis haut lieu du rugby des fortifs, comme le raconte Jean-Claude Lombard dans Dieu aime-t-il le rugby ? (éd. Belle journée en perspective, 2003)

    Il a découvert le rugby en 1941 à travers le SCUF:medium_LePelleport.jpg

    ...le vieux Sporting Club Universitaire de France qui aujourd'hui survit honorablement dans la catégorie "promotion d'honneur", comme s'il avait besoin de conquérir ce qui lui fut reconnu depuis plus de cent ans." [...] Paris était occupé, mais trois gosses du quartier Saint-Fargeau, Bernard, Léon et Jean-Claude, ne l'étaient guère, eux, quand le week-end arrivait..Nous fréquentions déjà Le Pelleport, café qui faisait face à la station de métro. On y parlait entre autres d'athlétisme puisque le fils du patron, José, courait le 100 mètres en onze secondes. [...]Je dois aujourd'hui un merci au Pelleport, suffisamment laxiste quant à l'accueil prohibé des mineurs non accompagnés, puisque c'est devant son comptoir que le grand salut SCUFiste nous arriva. Des junior, appartenant à l'équipe du SCUF, nous mirent au parfum de leurs pelouses enchantées - et, merveille! - dominicales. (p. 25-26)

    Moi aussi je suis un peu comme Tillinac, mutatis mutandis au coeur de Paris : c'est que, voyez-vous, on chercherait en vain un dieu du stade vêtu d'un maillot rose à l'Est d'une ligne La Chapelle-Alésia, et le XXe arrondissement pour eux, c'est probablement... la cambrousse... !

    Mais où sont les pavés ? Même devant "Le Pelleport" on les a ripolinés !

     (1) Voir l'excellent compte rendu d'Amélie Dutheil sur le site du SF... auquel j'emprunte la photo. En attendant les photos du match promises par Ovalove.

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  • Sur les traces d'un mythe herculéen

    Du "Porthos de Cahors" à Victor Hugo. Sur les traces d'un mythe herculéen

      par Mezetulle

    Une légende récurrente du rugby, liée au culte de la force, a attiré mon attention depuis longtemps. Je l'ai entendue medium_Boeufs.jpgpour la première fois sous forme orale dans l'Ariège, il y a une trentaine d'années. L'équipe de Lavelanet, connue pour son jeu dur, comptait "à l'époque" (un jadis de conte de fées, un "il était une fois") un pilier qui disait-on était capable de "soulever une paire de boeufs".

    Invraisemblable. Ce qui est invraisemblable n'est pas qu'un pilier de légende ait pu soulever plus d'une tonne (ça c'est normal), non : c'est qu'on ne voit pas par quel moyen une paire de boeufs pourrait rester assez solidaire pour être soulevée d'une pièce par une main, même herculéenne.
    Certainement pas par le joug. Fixé sur les cornes au moyen de liens de chanvre ou de cuir, il resterait inévitablement dans toute main qui le prendrait de bas en haut... Quant au reste de l'attelage, c'est également impossible quand on sait que dans ces régions montagneuses on n'utilise ni chariot à roues ni timon rigide, mais des traîneaux rattachés aux animaux par une chaîne.
    J'étais donc en présence d'un récit fabuleux.

    Et voilà que, au hasard de mes lectures, je retrouve un Hercule paysan bien plus précis sous la plume de Tillinac:

    Alfred Roques, le Pépé du Quercy, le Porthos de Cahors, pansu comme les piliers du Pont Valentré, témoin ou survivant d'un rugby français de la haute époque, d'essence gasconne et paysanne. On disait qu'il retournait des boeufs en les prenant par les cornes. On disait qu'il soulevait des voitures pour amuser les enfants. Des voitures, des tracteurs, des montagnes : on fabulait éperdument sur ce menhir taciturne ... (Denis Tillinac, Rugby Blues, Paris : La Table ronde, 1993, p. 16)
    La métaphore revenait sur les rails, ou plutôt dans les ornières, refluant des boeufs (retournés et non soulevés - mais on y reviendra dans un autre article) à l'objet rigide et inerte, le véhicule.
    L'illumination vint d'une troisième lecture. Les Contes du rugby (Paris : La Table ronde, 1961) où Henri Garcia donne à l'hisoire d'Alfred Roques une forme encore plus précise :
    Il y avait ceux, tels Miquel le coiffeur ou Ginel le boulanger, qui ne se consolaient pas de voir la puissance du fils Roques ainsi inemployée.
    -C'est-y pas malheureux, bon Dieu! de jouer les "manchots" avec des bras pareils!
    Alfred se contentait d'épater le canton de Cazes-Mondenard par de simples travaux de la ferme. C'est ainsi qu'un jour, alors qu'on installait la batteuse à la ferme des Roques, le cric se brisa. Tout le monde discutait en vain sur la meilleure méthode à employer pour mettre la lourde machine sur cales, lorsque l'Alfred qui écoutait sans mot dire s'avança :
    - Tenez-vous prêts avec les cales.
    Il se fit un silence général, lorsqu'il se glissa à quatre pattes sous l'énorme machine. Chacun retint son souffle et dans un gémissement rauque, la lourde masse décolla du sol." (p. 47-48)


    Cette fois, j'y étais.
    Voilà la version occitane d'une fable populaire contée par un des plus grands écrivains de langue française. Vous avez tous reconnu j'espère un célèbre passage des Misérables où Jean Valjean, sous le nom de M. Madeleine, soulève la charrette du père Fauchelevent et est reconnu par Javert à cause de ce trait herculéen. Rien n'y manque, pas même le cric défaillant.

    Je vous laisse le plaisir d'aller relire le passage sur le site BnFGallica :
    Victor Hugo, Les Misérables, Première partie, Livre V, chapitre 6 medium_HerculeAntee.jpg

    Qu'en conclure ? Ironiser sur la prétendue origine "gasconne" ? Non. Tout simplement dire que ce grand poète a été lu et relu par des générations de paysans, qui l'ont adopté avec la dimension qui lui sied. Poète assez fort lui-même pour soulever le poids d'un mythe herculéen et le recréer de toutes pièces.

    On vérifie alors ce que disait un autre géant de la pensée, Hegel : ce ne sont pas les dieux qui ont créé les hommes, ce sont les poètes qui ont inventé les dieux.

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